Musique symphonique
 : À la vénézuélienne

En juin dernier, le Tagesspiegel l’aurait bien vu recevoir un prix Nobel de la musique après son interprétation de la Symphonie no 1 de Mahler avec les Berliner Philharmoniker. Le temps de trois soirées éclectiques, la Philharmonie accueille le jeune et talentueux Gustavo Dudamel à la tête du Simón Bolívar Symphony Orchestra of Venezuela.

Toujours flamboyant : Gustavo Dudamel lors d’un précédent passage à la Philharmonie. (Photo : Sébastien Grébille / Philharmonie)

Toujours flamboyant : Gustavo Dudamel lors d’un précédent passage à la Philharmonie. (Photo : Sébastien Grébille / Philharmonie Luxembourg)

En 1975, le musicien et économiste vénézuélien José Antonio Abreu fonde « El Sistema », un programme qui ambitionne de donner des repères aux enfants défavorisés à travers l’apprentissage de la musique. Un peu fou, le pari reçoit néanmoins le soutien de tous les gouvernements qui se succèdent à Caracas, avec un financement renforcé après l’accession d’Hugo Chávez à la présidence en 1998. Actuellement, le programme gère 125 orchestres de jeunes et revendique quelque 700.000 musiciens en herbe. Mais son succès ne s’arrête pas aux frontières du Venezuela : plus de 90 pays l’ont actuellement adapté, et en 2014 « El Sistema » a été nommé ambassadeur de bonne volonté par l’Unicef pour promouvoir les droits des enfants et des adolescents.

C’est donc tout naturellement qu’une organisation aussi vaste a pu révéler des talents musicaux exceptionnels. En premier lieu, le Simón Bolívar Symphony Orchestra, son vaisseau amiral, qui se produit régulièrement dans les plus grandes salles de concert du monde. Et son charismatique chef, Gustavo Dudamel. Fils de musiciens, d’abord tromboniste chez « El Sistema », puis violoniste, puis chef d’orchestre à un âge où certains hésitent encore sur leurs premières gammes, le natif de Barquisimeto devient directeur musical du Los Angeles Philharmonic à 28 ans.

Dudamel est un personnage médiatique, à tel point que la série américaine « Mozart in the Jungle » s’inspire de lui pour le personnage du fantasque chef Rodrigo. Mais sa gestuelle quelquefois spectaculaire – qui a fait écrire que, avec lui, pas besoin d’explications sur la musique – et son éternel sourire ne doivent pas masquer un travail rigoureux en amont sur les partitions : impossible d’atteindre un tel niveau international avec de la simple esbroufe. La musique est son domaine d’expression et il dit tout avec elle ; c’est pourquoi il se refuse à prendre des positions politiques et à critiquer certaines dérives du gouvernement de son pays d’origine, ce qui lui a valu des critiques acerbes. Mais lui qui s’est produit lors de l’enterrement d’Hugo Chávez a peut-être bien hérité de la sagesse politique de son mentor José Antonio Abreu, grâce à laquelle « El Sistema » s’est maintenu et a prospéré depuis 40 ans…

Impossible de faire l’impasse sur un tel talent lorsque l’on est mélomane. Et les Luxembourgeois seront particulièrement gâtés en janvier, puisque, pour sa première venue au grand-duché, le Simón Bolívar Symphony Orchestra proposera pas moins de trois soirées sous la baguette de Dudamel. Ce dimanche 10 janvier, c’est l’envoûtante « Turangalîla-Symphonie » d’Olivier Messiaen qui sera au programme, avec la pianiste Yuja Wang et Cynthia Millar aux ondes Martenot, un instrument céleste et mystérieux sublimé par la musique du maître français. Suivra, le 11 janvier, un programme consacré à Ravel et Villa-Lobos, où l’on découvrira également le compositeur vénézuélien Paul Desenne. Enfin, l’orchestre clôturera cette courte résidence le 12 janvier avec deux œuvres majeures de Stravinsky, « L’oiseau de feu » et « Le sacre du printemps ».

Pour celles et ceux qui auraient été atteints du contagieux virus de la musique à la vénézuélienne, il y aura même un bis le 21 mars : Gustavo Dudamel reviendra à la Philharmonie, cette fois à la tête de son autre formation, le Los Angeles Philharmonic. Au programme, de la musique américaine, et notamment une œuvre de John Williams, qui a récemment accueilli le maestro comme « special guest conductor » pour enregistrer la musique du dernier « Star Wars ». Décidément, c’est à l’heure de Caracas que la Philharmonie s’est réglée ces prochains mois.

Cycle de concerts du Simón Bolívar Symphony Orchestra of Venezuela sous la direction de Gustavo Dudamel, à la Philharmonie les 10, 11 et 12 janvier à 20h.
Le premier concert a été retransmis en direct par Arte et peut encore être visionné : http://concert.arte.tv/fr/gustavo-dudamel-dirige-la-turangalila-symphonie-dolivier-messiaen.

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