#OpenLux : Sous le RCS, la plage

OpenLux, une attaque menée par des centres financiers étrangers jaloux du triple A ou la preuve que le Luxembourg est un État vampire que l’Europe nourrit en son sein ? Les réactions permettent aussi d’entrevoir des nuances, inaudibles dans l’agitation générale.

Les nuances ne sont parfois pas visibles au premier coup d’œil, en ce qui concerne la critique de la place financière non plus. (Photo : Patrick Galbats)

En feu, il l’était, le député Déi Lénk David Wagner à la tribune de la Chambre des député-e-s, lors du débat qui a suivi la déclaration gouvernementale sur OpenLux. Foudroyant le populiste de droite Fernand Kartheiser pour ses mensonges sur la « Sueddeutsche Zeitung », il a enchaîné par une diatribe contre ses collègues et le gouvernement pour leur attitude mécréante envers les médias internationaux et locaux. Pour finir sur un triomphant : « Je ne suis pas la place financière ! », à moitié gueulé dans l’auditoire. Ce faisant, il a fait figure d’exception, car les autres intervenant-e-s se sont toutes et tous aligné-e-s sur la position de la place financière – avec quelques petites nuances çà et là, selon la couleur politique. Même le pirate Sven Clement n’a pas eu la fougue de totalement nier l’attachement de son parti au secteur financier, proposant de rendre la place humaine et juste. Un vœu aussi pieux que peu réaliste.

Au Luxembourg, les réactions de la société civile sont plutôt timides. Seul le collectif Tax Justice Lëtzebuerg (CJTL) s’est fendu d’un communiqué sur OpenLux. Il y fait un constat qui va dans la même direction que la Commission européenne dans son rapport sur le semestre européen (voir article Thema) : « Il n’est pas assez de se réfugier derrière des excuses comme l’application des standards – hélas insuffisants – de l’OCDE ou de l’Union européenne. (…) Les campagnes publicitaires du genre ‘Luxembourg – Let’s Make It Happen’ ne sauraient se substituer à la création d’une réelle culture d’ouverture et de bonne gouvernance dans l’intérêt public. » Le CJTL fait aussi le choix intéressant de qualifier les publications OpenLux de « chance offerte » au pays. Il y voit une motivation nécessaire pour le gouvernement de renforcer les effectifs de la CSSF, du ministère des Finances, du LBR et de la CRF – pour équilibrer les forces avec l’industrie privée. D’autre part, le collectif plaide pour plus de solidarité avec la communauté internationale « afin de ne pas soutirer les revenus nécessaires dans la lutte contre la pandémie de la Covid-19, la crise climatique et les inégalités » et de soutenir le journalisme d’investigation.

OpenLux comme chance 
pour le Luxembourg

Un son de cloche intéressant vient du Netzwerk Steuergerechtigkeit allemand. Dans une publication en réaction à OpenLux, Christoph Trautvetter, auteur d’une étude sur le marché immobilier allemand et le rôle que le Luxembourg y joue − dont le woxx s’était fait l’écho − remarque, malgré toutes les critiques, que « dans le registre de transparence allemand, 90 pour cent des entrées manquent, contre 10 pour cent au Luxembourg », confirmant par là que le grand-duché a un peu été victime de sa propre transparence. Et de rappeler quelques éléments essentiels qui souvent sont poussés sous la table : « Le paradis fiscal ne fonctionne pas par un taux d’imposition bas, mais avant tout par les règles qui permettent aux entreprises et aux fonds d’investissement d’envoyer leurs revenus dans des paradis fiscaux à basse imposition sans que lesdits revenus soient trop taxés au passage. » Le problème pour Trautvetter est évident : « Ces règles magnanimes ne sont pas codées ni reconnues par l’UE et l’OCDE comme des ‘harmful tax practices’, et depuis Luxleaks, elles ne sont plus fixées dans des ‘tax rulings’. »

Revoir la directive antiblanchiment

Signalons ici aussi l’étude présentée par l’ONG Transparency International en collaboration avec l’Anti-Corruption Data Collective (ACDC), qui s’est surtout concentrée sur le versant américain des données OpenLux. En les croisant avec les rapports que les fonds luxembourgeois doivent remettre au gouvernement américain, ils ont trouvé que plus de 15 pour cent remettaient des informations qui ne se correspondaient pas. Et de recommander au grand-duché de revoir sa définition du bénéficiaire effectif, de revoir les données du RBE et d’adopter un mécanisme permettant de vérifier et de valider les informations livrées par les sociétés. En même temps, l’équipe de l’ACDC appelle la Commission européenne à revoir et à amender la définition du bénéficiaire effectif – qui est en effet assez large – dans la directive antiblanchiment et de mandater ses États membres pour vérifier de façon indépendante les informations dans leurs registres. Il faudrait juste que tous les États membres s’y mettent avec la même ardeur que le Luxembourg et les rendent aussi ouverts.

Cet aperçu démontre que les critiques du Luxembourg ne se résument nullement à de la jalousie ou à une volonté de nuire. Mais elles mettent le pays devant ses responsabilités. Des responsabilités qui découlent du choix politique de miser sur la croissance, surtout des services financiers. Le gouvernement et toute la classe politique doivent comprendre qu’en assumant ce choix, ils ne sont pas pas uniquement redevables à leur pays, mais aussi à tous ceux qui l’entourent.


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