Pandémie : Pelote de laine

L’été approchant, les mesures contre la Covid-19 prennent des allures de plus en plus loufoques. Petit tour d’horizon au Luxembourg et en Grande Région pour prouver la fragmentation croissante de nos réalités de vie.

© onlinestreet.de

Bienvenue en Absurdistan ! Un café en terrasse par ce beau temps vous tente ? Alors, passez la frontière et rendez-vous à Trèves ou dans n’importe quel autre ville, village ou hameau en Rhénanie-Palatinat pourvu d’une telle institution… et n’oubliez pas de réserver et de vous munir d’un test négatif récent. Sinon, il faudra attendre le 6 avril et se rendre en Sarre, où selon le « Saarland Modell » la gastronomie extérieure rouvrira sans obligation de test, sauf si vous êtes un groupe de plus de dix personnes. Voire au Luxembourg, si vous pouvez vous calmer jusqu’au 7 avril et vous en tenir aux règles strictes. Sinon, mettez le cap sur Tübingen, ville expérimentale et ouverte – même les boutiques –, mais n’oubliez pas votre test négatif et votre ticket journalier.

C’est compliqué ? Vous allez adorer la voie française : le président Macron, après des semaines d’incertitudes et de communiqués vides de tout sens et de toute information, vient de décider de reconfiner tout – avec un bout du tunnel prévu pour la mi-mai. Six semaines à tenir donc en télétravail, avec les gosses à la maison et interdiction de se déplacer au-delà de 10 kilomètres de son domicile, sans compter le couvre-feu à 19h. C’est simple, mais l’efficacité reste à prouver. Sinon, pas besoin de tenter la Belgique pour un voyage non essentiel, c’est mort. De toute façon, la gastronomie reste fermée chez nos voisins, tout comme la culture. Mais la Belgique ne serait pas la Belgique sans embrouilles : ainsi, le tribunal de première instance de Bruxelles vient d’ordonner à l’État belge de lever toutes ses mesures contre la pandémie endéans les 30 jours – sinon, c’est une astreinte de 5.000 euros par jour que l’État devra payer… à lui-même. La raison de ce jugement, obtenu par la Ligue des droits humains ? L’État n’a pas légiféré pour mettre en place ces mesures, mais a procédé par arrêts ministériels. Une voie que le Luxembourg a aussi pratiquée, mais uniquement sous l’état de crise déclenché l’année dernière. Depuis, on en est à la énième mouture de textes de loi régulièrement ravaudés pour coller à la situation actuelle.

Réalités fragmentées

Mais le grand-duché devrait pourtant s’abstenir de trop rigoler de ses cousins royaux : même si nos mesures antipandémiques sont coulées dans les textes de loi, cela ne les rend pas plus transparentes ni cohérentes. La Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) a par exemple insisté dans son avis paru cette semaine sur le fait que l’ouverture des terrasses, c’est une belle idée, mais qu’il aurait fallu la penser avec les autres mesures restrictives mises en place depuis les dernières lois. Par exemple le couvre-feu à 23h, une mesure liberticide qui n’a toujours pas prouvé son efficacité ni en France ni au Luxembourg, mais dont la levée n’est même pas discutée. La même chose vaut pour l’interdiction de consommation d’alcool sur la voie publique : elle ne vaut pas pour les terrasses qui vont rouvrir, mais pour tout le reste. Donc, boire une bière en terrasse sera légal, mais le sans-abri assis à deux mètres de là avec sa cannette sera dans l’illégalité ? Si ce n’est pas totalement absurde…

Bref, à défaut d’une stratégie européenne, le petit Luxembourg doit composer avec des pays voisins qui eux non plus ne savent pas exactement comment affronter cette pandémie, qui sont aussi lassés par cette « guerre » qui n’en finit pas et qui tentent des chemins bien différents les uns des autres pour essayer d’améliorer la situation. Les pas vers « plus de normalité » s’annoncent difficiles et confus.


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