Prouver son statut civil en tant que migrant-e

Le ministre de la justice reste évasif sur la question des « barrières administratives » que rencontrent les migrant-e-s pour réaliser des actes civils.

Dans une question parlementaire adressée au ministre de la Justice, Félix Braz, le député Marc Angel s’interroge sur les « barrières administratives » que rencontrent les bénéficiaires de protection internationale pour réaliser des actes civils. Comme le relève le socialiste, « un réfugié qui souhaite se marier est considéré par l’administration comme un ressortissant de pays tiers classique ». Par conséquent, la commune réclame un « acte de naissance et un certificat de célibat ».

Sauf que la particularité de bien des bénéficiaires de protection internationale (BPI) est de ne plus disposer des documents en question. Et il ou elle ne peut pas et ne pourra en aucun cas être contraint de s’adresser aux autorités consulaires de son pays d’origine – pays qu’il ou elle a précisément fui.

Dans sa réponse, le ministre de la justice, Félix Braz, confirme que le dossier de mariage des futurs conjoints devra obligatoirement comporter notamment un certificat de naissance et un certificat de célibat. Ceci valant pour toute personne, indépendemment de sa nationalité, de son statut personnel ou de son lieu de naissance.

Au cas toutefois, où la personne serait dans « l’impossibilité absolue » de les produire, le procureur d’État pourra autoriser la commune d’accepter un « acte de notoriété en application de l’article 71 du Code civil », précise le ministre.

Que dit l’article 71 du Code civil ?

« Celui des conjoints qui est dans l’impossibilité de se procurer une copie intégrale de l’acte de naissance, peut le suppléer, en rapportant un acte de notoriété délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou par celui de son domicile. »

Autrement dit, « l’acte de notoriété établi par le juge de paix est une reconstitution de l’acte de naissance et a valeur d’acte authentique », comme le souligne le ministre de la Justice. Sur ce point, le Luxembourg s’approcherait d’ailleurs de la France et de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides qui délivre après enquête des certificats de naissance, de mariage et de décès – référence à la question de Marc Angel, qui s’interrogeait sur l’opportunité pour le Luxembourg de mettre en place un organisme similaire.

« Grand avantage »

Ce n’est point nécessaire, répond le ministre Félix Braz pour qui « l’approche luxembourgeoise a le grand avantage qu’elle est ouverte à toute personne étant dans l’impossibilité de produire un acte de naissance, et non aux seuls bénéficiaires de protection internationale ».

Mais l’approche luxembourgeoise, vantée par le ministre de la justice, est-elle vraiment si avantageuse, comme il le prétend ?

D’abord, le droit au mariage est reconnu par l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme et confirmé par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Par conséquent, il nous concerne tous, et bien évidemment les bénéficiaires (BPI) comme les demandeurs de protection internationale (DPI) dont la procédure est toujours en cours. Félix Braz le reconnaissait d’ailleurs lui-même dans le rapport de l’Ombudsman de 2010 portant sur le refus d’une commune d’enregistrer le mariage contracté avec un migrant en situation irrégulière, et où il était indiqué que « le droit au mariage » est « indépendant du statut au regard du droit de séjour ».

Ensuite, l’article 71 du Code civil, s’il explique la démarche à prendre pour obtenir un certificat de naissance, ne livre en revanche aucune information sur comment prouver son statut marital. Le ministre de la Justice d’ailleurs ne répond pas à cet aspect de la question de Marc Angel, qui touche également au « certificat de célibat ». La question des papiers d’identité (parfois manquants) n’est, quant à elle, abordée par aucun des deux. Pourtant, l’ouverture d’un dossier de mariage exige la production de ces deux documents supplémentaires, en plus du certificat de naissance.

Enfin, concernant « le grand avantage de l’approche luxembourgeoise » en ce qu’elle serait ouverte « à toute personne étant dans l’impossibilité de produire un acte de naissance, et non aux seuls bénéficiaires de protection internationale », on comprend que ce n’est pas aux demandeurs de protection internationale que Félix Braz se réfère, contrairement à ce qu’on a pu espérer.

Les demandeurs de protection internationale – c’est écrit sur guichet.lu comme sur n’importe quel site officiel communal – « non encore reconnus comme résidents en soi, doivent prouver leur état civil actuel avec un certificat attestant leur statut (délivré par le ministère des Affaires étrangères et européennes – Direction de l’immigration) pour pouvoir se marier au Luxembourg ». Certificat qui, comme l’écrivions récemment, est refusé systématiquement par la Direction de l’immigration sous prétexte qu’un détenteur de « papier rose » ne peut pas se marier. Quant aux recours envoyés en vue de l’obtention du certificat en question, ils restent sans réponse.


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