Migration : Gimme Some Lovin’

Essayez donc d’épouser un-e demandeur-euse d’asile au Luxembourg et vous goûterez un peu aux leurres et désinformations employés par ce pays pour vous faire douter de vos droits.

À découvert : Cary Grant dans « North by Northwest » d’Alfred Hitchcock.

Oui, je sais. Je vous entends ! Vous venez d’emporter un exemplaire du woxx depuis notre stand au Festival des migrations (ah ! si seulement tous nos lectrices et lecteurs étaient comme vous…) que déjà vos nerfs sont mis à rude épreuve. Mais non, n’ayez crainte. Ce n’est sûrement pas dans votre journal favori qu’il vous sera servi l’éloge de la vie matrimoniale – après 30 ans de militantisme de notre part contre l’institution du mariage en tant que telle, voyons ! Plutôt mourir. Et en solitaires, s’il le faut, cela nous est bien égal !

Simplement, et vous en conviendrez, il y a des situations où le mariage peut sauver un individu du pétrin administratif dans lequel il se trouve embourbé. Imaginez un instant la Syrie, l’Irak, l’Érythrée, le Soudan et l’Afghanistan, l’Azerbaïdjan ou la Biélorussie – bref, tous ces charmants pays dont sont originaires les gens qui peuplent nos foyers d’accueil, en nombre toujours croissant. Imaginez que parmi ces individus demandeurs d’asile, il y en ait un qui possède la singulière capacité de vous faire aimer la barrière linguistique – qui normalement sépare les êtres –, parce qu’elle prolonge infiniment les conversations et augmente les occasions de se regarder dans les yeux… Vous comprenez, c’est d’amour que je vous parle !

Et mettons que vous ne supportiez plus de voir cet être que vous avez devant vous livré à la merci d’une Direction de l’immigration la plupart du temps assez froide, perfide parfois et souvent odieuse. Et que donc, abstraction faite d’une pression sociale certaine qui pourrait aboutir à votre fonctionnarisation prochaine, de vos craintes pour l’avenir et des conseils bien intentionnés de votre famille, vous décidiez pour une fois de vous fier à votre intelligence du cœur. Autrement dit, de libérer par les liens de l’amour et donc du mariage la personne devant vous de l’épée de Damoclès qui plane au-dessus de sa tête, de régler une situation qui vous pourrit la vie à tous les deux.

Mais essayez donc d’épouser un-e demandeur-euse d’asile au Luxembourg et vous goûterez un peu aux leurres et désinformations employés par ce pays pour vous faire douter de vos droits. À commencer par la fameuse Direction de l’immigration où, paraît-il, on vous répond systématiquement que se marier en tant que demandeur d’asile est chose impossible. Ah non ! non et non ! Avec un papier rose ? IM-PO-SSI-BLE !

Sauf que c’est faux. C’est même carrément un mensonge, et n’importe quelle association de soutien aux migrant-e-s vous le confirmera : en réalité, le meilleur moment pour qu’un-e demandeur-euse d’asile se marie, c’est pendant que sa procédure est en cours. Débouté-e et illégal-e, il ou elle doit craindre à tout moment la reconduction dans son pays. Or cela, même dans beaucoup de communes, les officiers d’état civil ne le savent pas, et aux couples qui arrivent, ils répètent l’interdit lié au « papier rose ».

Dans beaucoup de communes, les officiers d’état civil répètent l’interdit lié au « papier rose ».

Or, il suffit de se rendre sur guichet.lu ou n’importe quel site communal et de consulter d’un simple clic la page consacrée à la préparation d’un mariage civil, où l’État reconnaît implicitement ce qu’ailleurs il qualifie d’impossible, à savoir que : « Les demandeurs d’asile, non encore reconnus comme résidents en soi, doivent prouver leur état civil actuel avec un certificat attestant leur statut (délivré par le ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE) – Direction de l’immigration) pour pouvoir se marier au Luxembourg. »

Le mariage est un droit reconnu par l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme et confirmé par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Et comme le reconnaissait le ministre de la Justice dans le rapport de l’Ombudsman de 2010 portant sur le refus d’une commune d’enregistrer le mariage contracté avec un migrant en situation irrégulière, « le droit au mariage » est même « indépendant du statut au regard du droit de séjour ».


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