Beaucoup d’encre a coulé suite à la noyade du rappeur eschois d’origine capverdienne Puto G. au lac de Remerschen. Questionnés, les ministres du Travail et de l’Intérieur restent évasifs sur le sujet.
Au début, c’était un incident à classer parmi tant d’autres : une tragédie estivale dans un lac, impliquant des jeunes imprudents… bref, un fait divers. Ce n’est qu’après une enquête plus approfondie de la journaliste Paula Telo Alves dans le journal Contacto, que les doutes nauséabonds font surface. Ainsi, les employé-e-s du lac auraient mis une heure avant de contacter les secours, les ami-e-s de Puto G. n’auraient pas été pris-e-s au sérieux et traité-e-s avec condescendance par le personnel. En d’autres mots, l’affaire Puto G. avait vite pris une odeur de racisme institutionnel à l’égard de jeunes d’origine et de couleur de peau différente. Divers reportages racoleurs sur RTL et une question parlementaire peu ambivalente de la part de Fernand Kartheiser – qui s’irritait de voir la famille et les ami-e-s du rappeur tenir une veillée devant le musée de la Résistance à Esch – n’ont pas vraiment aidé à apaiser la situation.
Pour en savoir plus, ou pour aider leurs camarades socialistes à garder la face, les députés Franz Fayot et Alex Bodry ont donc questionné les ministres Nicolas Schmit et Etienne Schneider sur leur vision des faits – sans pourtant poser la question du fond, celle du probable délit de faciès. La réponse en dit plus sur l’embarras dans lequel se trouve le gouvernement face à cette polémique que sur l’accident lui-même.
Dans leur réplique, les deux ministres s’en remettent d’abord à l’enquête judiciaire en cours qui leur impose de s’abstenir de commenter le déroulement des faits. Quant à la question de savoir s’il est vrai que les services de secours auraient mis une heure avant d’arriver sur les lieux de l’accident, Schneider et Schmit se débarassent de la patate chaude : « Il y a lieu de souligner que, précisément pour la noyade du 20 juin 2018, les moyens nécessaires ont été de suite dépêchés sur le lieu de l’intervention pour une prise en charge immédiate de la situation dès la réception de l’appel d’urgence au central des secours d’urgence 112. » Ce qui laisse ouverte la possibilité que les responsables du lieu de baignade aient attendu une heure avant d’appeler les secours.
En ce qui concerne les autorisations, les ministres relèvent qu’« il n’existe pas de conditions de sécurité généralement applicables » pour les lieux de baignade, et que celles-ci sont fixées « au cas par cas dans l’autorisation ». Par contre, pour la qualification du personnel, la personne chargée de la sécurité au moment des faits aurait une « grande expérience de travail sur les lieux, dispose de divers diplômes et attestations de compétence ». Néanmoins, les recherches du Contacto mentionnent pas seulement une, mais plusieurs personnes munies de t-shirts de sauvetage.
Finalement, Schmit et Schneider écartent un suspect dans la mort de Puto G. : les algues, dans lesquelles il se serait entravé, le tirant vers le bas et la mort. Les ministres sont clairs : « Aux étangs de Remerschen, en revanche, il n’y a pas eu de présence ni de cyanobactéries ni de macro-algues présentant un risque sanitaire. Partant, la baignade n’avait pas pu être interdite (…). »
Reste à savoir ce que l’enquête judiciaire déterminera comme cause de l’accident, et s’il n’y a pas eu faute, dans le sens d’une non-assistance à personne en danger, de la part du personnel de l’exploitant du site. En tout cas, vu qu’il n’y a pas eu autopsie du corps de Puto G., une source d’informations possible est déjà tarie à jamais.