Faire tourner les mandataires à mi-mandat n’est pas une idée nouvelle. Introduite puis abandonnée par les Verts, la « rotation » est désormais pratiquée avec succès par Déi Lénk.
« Un souffle nouveau, c’est ce qu’il faudrait plus souvent. » La petite phrase de Nathalie Oberweis, invitée de la rédaction sur RTL ce mercredi matin, résume parfaitement l’intérêt du mécanisme politique controversé que constitue la rotation. Certes, les deux députées assermentées ce même jour à la Chambre ne sont plus rejetées par leurs pairs, comme cela était le cas en 1987 lors de la toute première rotation au sein du GAP, précurseur « gauchisant » de Déi Gréng. Cela est dû à l’œuvre pionnière des Verts en ce domaine, mais aussi à la nonchalance avec laquelle désormais les bourgmestres des partis établis se passent le relais au sein des coalitions communales – dénoncer la rotation comme une « désacralisation » du mandat politique ne serait plus crédible. Mais le grand public semble avoir du mal à s’enthousiasmer pour cette vision dynamique de la démocratie et reste attaché au vote à la luxembourgeoise, c’est-à-dire le panachage de personnalités « parce qu’on les connaît bien ».
Pourtant, c’est la rotation qui a favorisé l’émergence d’une personnalité politique comme François Bausch, qui a accédé au mandat pour la première fois en 1992. Néanmoins, le mécanisme a été remis en question, notamment par ce même Bausch, pour enfin être abandonné à la suite de la réunification avec l’aile « centriste » du mouvement vert en 1994. Par la suite, une autre forme d’alternance politique allait se développer : l’accès de femmes aux mandats grâce à des listes de candidat-e-s alternant femmes et hommes.
La rotation de 2021 chez Déi Lénk est en ce sens un « grand cru », après celles de 2011 et de 2015-2016 : avec Myriam Cecchetti et Nathalie Oberweis, ce sont deux femmes qui accèdent au mandat. « C’est très bien, ça renforce la féminisation de la politique », estime la porte-parole du parti Carole Thoma. Cette fois-ci, il n’y a pas eu de remise en question du principe de rotation, qui pourtant ne fait pas l’unanimité au sein du mouvement. Il faut dire que les deux nouvelles députées ne débarquent pas comme des touristes au parlement : elles sont connues de longue date pour leur engagement politique au sein de la société civile, et, pour Cecchetti, au niveau communal. Cette dernière a débuté comme conseillère Déi Gréng à Sanem en 2005, pour devenir échevine en 2010, puis quitter le parti en 2017. Elle a alors rejoint Déi Lénk, où elle estime mieux pouvoir associer politique environnementale et justice sociale. Quant à Oberweis, elle est connue comme journaliste freelance, mais surtout de par son engagement au sein du Comité pour une paix juste au Proche-Orient.
Éternel retour
Un des modèles pour faciliter la transition revient à transformer un-e député-e sortant-e en collaborateur-trice parlementaire et vice-versa. Cette fois-ci, cela a été compliqué : seule Oberweis a suivi cette voie, alors que Cecchetti était entravée par son emploi d’enseignante, et que Marc Baum et David Wagner ont souhaité changer d’environnement de travail. La rotation finira-t-elle par être abandonnée, comme chez les Verts ? « Ce n’est pas d’actualité. Pour un petit parti, les avantages l’emportent sur les désavantages », estime Carole Thoma. Il est vrai que, déjà, les statuts prévoient dans des circonstances exceptionnelles de suspendre le principe. Mais actuellement, Déi Lénk sont exemplaires en matière d’alternance du personnel politique et vont plus loin que leurs propres statuts : après que Cecchetti aura cédé sa place au conseil communal de Sanem, aucun-e des quatre député-e-s en rotation ne sera en situation de cumul des mandats.