Quotas de CO2: La balle revient au Luxembourg

Le gouvernement luxembourgeois peut-il crier victoire après l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire C-321/15 qui l’opposait à Arcelormittal, plus spécifiquement à l’entité Rodange/Schifflange ?

(Photo : MMFE/Wikimedia)

Vers la fin de l’année 2011, Arcelor- mittal avait décidé de fermer l’aciérie située à Schifflange, d’abord pour une durée indéterminée, puis définitivement. Or la société avait omis de notifier immédiatement cette décision aux autorités luxembourgeoises. Ce ne fut le cas que quelques mois après. Entre-temps la société s’est vu attribuer, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, des quotas d’émission de CO2 qui prenaient en compte la production envisagée pour l’unité de Schifflange – comme si elle ne devait pas s’arrêter. Une « arnaque », comme l’avait qualifiée la journaliste et experte Aline Robert dans le woxx en 2015 (woxx 1303).

Le processus européen d’attribution des quotas ne permettait plus d’annuler les quotas attribués pour l’année 2012. Le gouvernement a alors réclamé, via arrêté ministériel, la restitution, sans indemnité, des quotas non utilisés par Arcelormittal. Le géant de l’acier a contesté cette décision et introduit en juillet 2013 un recours – rejeté en septembre 2013.

Le Tribunal administratif luxembourgeois, saisi par Arcelormittal, avait jugé qu’une « restitution, sans indemnité, des quotas litigieux correspondrait, par ses effets, à une expropriation illégale, étant donné que les quotas litigieux ont été délivrés et inscrits au registre national et que, par conséquent, ils étaient entrés dans le patrimoine d’Arcelormittal ». Mais avant de se prononcer, le tribunal voulait savoir de la Cour constitutionnelle si la loi sur les quotas était conforme avec l’article 16 de la Constitution. Article qui limite l’expropriation au seul cas d’utilité publique moyennant une indemnité appropriée. La Cour constitutionnelle, pour sa part, voyait la même loi « susceptible d’être contraire à l’économie du système établi par cette directive ». Elle avait par la suite posé une question préjudicielle à la CJUE pour savoir si le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre permettait à un État membre d’exiger d’une entreprise ayant cessé l’exploitation d’une installation la restitution, sans indemnité, des quotas non utilisés.

1,4 million d’euros

Dans son arrêt du 8 mars, la CJUE considère effectivement que « la directive ne s’oppose pas à ce que l’autorité d’un État membre ordonne la restitution sans indemnité des quotas d’émission, si l’entreprise en question cesse les activités d’une de ses installations à une date antérieure à celle de l’allocation des quotas d’émission et omet d’en informer en temps voulu l’autorité compétente ». Comme ces quotas ne pourront de toute façon pas être utilisés, leur restitution permettrait « d’éviter une distorsion sur le marché des quotas et d’atteindre l’objectif de protection de l’environnement que poursuit ce marché ».

Pour la CJUE, une telle restitution implique non pas l’expropriation d’un bien, mais plutôt « le retrait de l’acte allouant des quotas, en raison du non-respect des conditions de notification ».

Si la réponse de la CJUE semble sans équivoque, on ne peut pas à ce stade prétendre que le gouvernement luxembourgeois ait eu complètement gain de cause. Car quand la Cour indique qu’un État membre « peut » agir d’une certaine manière, cela ne signifie pas qu’il « doit » le faire. Dès lors, la question d’une possible « expropriation », que craint le Tribunal administratif n’est que partiellement élucidée. Arcelormittal n’a jamais douté que les quotas lui appartenaient : après avoir utilisé seulement 151 des 81.703 quotas de CO2 attribués pour l’année 2012, la société a vendu le reste sur la bourse du carbone pour quelque 1,4 million d’euros.


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