Face au lâchage des États-Unis et à une potentielle menace russe, les pays européens veulent massivement investir dans leur défense. Se pose dès lors la question : qui va payer la note ?

(Photo : Dice Me/Pixabay)
Avec son coup d’éclat face à Zelensky à la Maison Blanche, Trump a réussi à imposer par le chantage ce qu’il exige des pays européens depuis son premier mandat : une hausse substantielle de leurs budgets militaires, afin qu’ils assument les coûts de leur défense au sein de l’Otan. Les 800 milliards du plan « Rearm Europe », annoncé par Ursula von der Leyen, se veulent un premier pas vers « le renforcement des capacités de défense » de l’UE. Ces 800 milliards se divisent entre un emprunt de 150 milliards levé par la Commission européenne et 650 milliards de hausses des budgets militaires des Vingt-Sept.
Conscients de leur dépendance vis-à-vis des États-Unis pour leurs fournitures d’armes, les pays européens veulent parallèlement développer leur propre industrie de la défense et faire bénéficier leur économie des dividendes du réarmement. Mais cela ne se fera pas d’un claquement de doigts, et les expert·es semblent unanimes à dire que cet argent bénéficiera en grande partie aux industriels américains, dans un premier temps au moins.
Pour l’Europe, se pose dès lors la question de savoir qui va payer la note. Au Luxembourg, le débat est, pour l’instant, apaisé, tout le monde convenant que cela doit se faire avec une large adhésion de la population. Autrement dit, il n’y aura pas de détricotage des acquis sociaux au nom de la sécurité, même si le gouvernement s’y est déjà bien attelé.
Au Luxembourg, le débat est apaisé, tout le monde convenant que cela doit se faire avec une large adhésion de la population. Il n’y aura pas de détricotage des acquis sociaux au nom de la sécurité, même si le gouvernement s’y est déjà bien attelé.
La discussion est plus vive dans d’autres pays, à commencer par la France, dont les finances publiques sont plombées par la politique fiscale inconséquente de Macron. En pleine renégociation sur les retraites, gouvernement et patronat veulent désormais faire passer l’âge de départ à la retraite à 70 ans, au nom, bien sûr, de « la patrie en danger ». Dans le même temps, Macron exclut de faire payer leur juste part aux plus fortuné·es. Vu ainsi, le réarmement est un prétexte pour accélérer un agenda antisocial à l’œuvre bien avant le retour de Trump au pouvoir, tant en France que dans d’autres pays européens. Du miel pour l’extrême droite.

(Photo : Pixabay)
Pour faire passer la pilule, les dirigeants de l’UE agitent la peur de Moscou. Ne pas s’armer « serait une invitation à la Russie ou à d’autres à continuer jusqu’à Varsovie », a par exemple alerté Luc Frieden à la Chambre des députés, le 6 mars. Si les chars russes ne sont pas près de débouler sur le Knuedler, la menace que représente la Russie pour l’Europe n’est pas infondée. Vladimir Poutine ne dissimule pas son ambition de reconstituer l’empire soviétique, sur le mode extrême droite bien entendu. « En tant que politicienne verte et pacifiste convaincue, cela peut sembler étrange, mais il est temps de renforcer nos capacités de défense en investissant dans la sécurité et la défense », a déclaré l’eurodéputée luxembourgeoise Tilly Metz, le 10 mars. Une façon de trancher le dilemme. L’ancien ministre grec des Finances Yannis Varoufakis convient pour sa part que « le pacifisme n’est jamais une bonne réponse à une invasion », mais qu’il n’est pas non plus réaliste d’opter « pour une guerre sans fin ». Estimant que « le réarmement de l’Europe est la prochaine grande folie de l’UE », l’économiste de gauche juge qu’il s’agit d’une « façon d’affaiblir l’Europe au nom d’une Europe plus forte ». Seules certitudes pour l’instant : le réarmement de l’Europe aura un coût important, des profits colossaux couleront dans les poches des marchands de canons et, d’une façon ou d’une autre, l’addition finira par atterrir sur la table des citoyen·nes des pays européens.