Dieu n’est pas mort, et c’est le directeur général du Statec, Serge Allegrezza, qui le dit dans une étude qui conclut néanmoins à un « net recul des pratiques religieuses » au Luxembourg.
Dieu n’a pas totalement disparu de nos existences, mais il se fait assurément plus discret, perd des adeptes et prend des visages nouveaux à la faveur de spiritualités alternatives. « Les personnes se réclamant de croyances et pratiques religieuses traditionnelles, en particulier du catholicisme, ont fortement reculé, passant de 75 % à 48 % entre 2008 et 2021 », au Luxembourg, constate le Statec dans une étude parue dans la série « Regards » le 16 février. De la même manière, le pourcentage de personnes jugeant la religion importante est passé de 42 % à 24 % sur la même période. Plus des trois quarts lui attribuent donc désormais les étiquettes « pas importante » ou « pas du tout importante ».
Ces données proviennent principalement de la nouvelle enquête European Value Survey (EVS), réalisée fin 2020 et début 2021, alors qu’au grand-duché l’appartenance religieuse ne fait pas l’objet de statistiques officielles. Le Statec n’en a pas mandat, précise Serge Allegrezza, son directeur général et auteur de l’étude. Il rappelle cependant que les religions ont façonné l’histoire de nos sociétés dans tous les domaines, en bien et en mal, et continuent dans une certaine mesure à baliser nos vies et habitudes : « Le calendrier conserve encore les marques religieuses qui influencent l’organisation des jours ouvrables sur les habitudes de consommation et de loisirs. L’empire des représentations religieuses, même s’il a fortement diminué, pèse encore sur l’éducation, la science, la technologie et les choix électoraux. »
Pour autant, l’enquête confirme la poursuite de la sécularisation de la société luxembourgeoise, bien plus marquée que dans les autres pays européens, 18 % des personnes se déclarant désormais athées contre 10 % en 2008. « L’insignifiance » accordée à la religion « semble augmenter avec le revenu national par tête », déduit l’institut statistique en comparant la situation du Luxembourg à celle relevée au Danemark ou en Suède. De façon générale, cette « tendance lourde » s’observe dans l’ensemble des pays riches.
En 2021, seul-es 48 % des résident-es reconnaissent une appartenance à une religion, contre 75 % en 2008. Les catholiques totalisent 85,3 % des appartenances, les Églises réformées 6,7 % et les musulman-es 2,7 %. Mais ces résultats sont à nuancer, car ils s’expliqueraient « moins par la foi que par la socialisation, [un phénomène] parfois décrit comme ‘belonging without believing’ », indique le Statec, chiffres à l’appui : 63 % des personnes se réclamant d’une religion sont effectivement religieuses, tandis qu’un tiers ne le sont pas et 4 % se disent même carrément athées. « On observe que les hommes, les gens politiquement à gauche ou nés dans le pays ont tendance à être significativement moins religieux », note encore Serge Allegrezza.
Dieu personnel et force surnaturelle
La foi religieuse s’exprime de moins en moins dans les églises et lieux de culte, où les croyant-es ne sont plus que 4 % à se rendre une fois par semaine (59 % ne s’y rendent jamais). Mais cette pratique ne dit pas tout de croyances qui prennent désormais un caractère plus personnel et plus intime : 14,9 % des personnes sondées croient ainsi à un Dieu personnel tandis que 41 % croient en un esprit ou une force supérieure. Ces données restent cependant imprécises, car les questionnaires de l’enquête ont été conçus à une époque où les croyances religieuses traditionnelles étaient encore dominantes. Elles ne permettent donc pas de « sonder plus en profondeur les dimensions philosophiques et cosmogoniques des personnes », écrit le Statec, qui appelle à une approche prenant en compte « l’explosion des non-croyants ».
Dans sa conclusion intitulée « Dieu n’est pas mort », Serge Allegrezza constate que « la sécularisation a souvent été interprétée comme la disparition inéluctable et totale de la foi et de ses croyances religieuses, suite aux avancées de la science et de l’État-providence. La première réduisant la part de mystère dans le fonctionnement du monde physique, la deuxième réduisant les risques existentiels des personnes (santé, vieillesse, accidents) ». Autrement dit, quand on a bénéficié d’un bon système d’éducation et qu’il y a de quoi faire bouillir la marmite, on a moins tendance à chercher son salut auprès de Dieu.
Bien que le Luxembourg soit un des pays les plus sécularisés en Europe, avec moins d’un quart de la population accordant de l’importance à la religion, l’étude souligne toutefois qu’environ 40 % des personnes interrogées « croient en une force surnaturelle ». Dieu n’est donc effectivement pas mort. Statistiquement parlant bien sûr.