Fin de saison en fanfare au TOL, avec le monologue comique « Wow », écrit et interprété par Eugénie Anselin. Une plongée dans l’injonction sociétale de la performance à travers ses effets sur une comédienne, entre réalité et fiction.
Toujours plus de contacts, d’interactions, de réussite, de messages, d’attention, de communication, de bonheur affiché… Pas facile de vivre une vie hyperconnectée, tant les codes de l’immédiateté ont pénétré profond dans les consciences. Alors il faut répondre tout de suite à ce SMS pourtant insignifiant ou cocher frénétiquement les cases de sa « to-do list », même si, ce faisant, on perd le fil de ce que l’on avait entrepris de réaliser. On traîne encore un peu sur Facebook, on guette le « like » sur ce « selfie » tellement réussi, et puis voilà : une nouvelle journée de procrastination, où on a cependant l’impression d’avoir fait un millier de petites choses.
Cette situation que tant d’entre nous ont vécue, c’est celle que transpose Eugénie Anselin dans son « wow-woman-show ». L’argument ? Elle doit écrire son spectacle, bien entendu ; et toutes ces petites interruptions qui, de fil en aiguille, vont la bloquer à la première scène sont autant de moments qu’elle va exploiter pour faire rire le public, seule en scène, dans la plus pure tradition du café-théâtre.
Car oui, plus qu’à du théâtre, « Wow » s’apparente à du café-théâtre : on y trouve des saynètes comiques reliées entre elles par un fil conducteur certes existant, mais assez lâche tout de même. Et la réussite de l’ensemble repose sur deux facteurs clés du genre : l’interaction avec le public (avec au besoin des remarques cinglantes quasi improvisées) ainsi que le talent et l’énergie de la comédienne. Sur scène, Eugénie Anselin multiplie les personnages au gré d’un simple changement de chaussures, entretient ses abdominaux tout continuant son monologue, joue du violon (plutôt bien), fait un selfie avec l’audience ou entame une danse endiablée sur un tube entraînant. La mise en scène très sobre d’Antoine Morin et les costumes de Lucie Majerus sont d’abord pensés pour mettre en valeur la comédienne.
Le texte, qu’elle a écrit elle-même, est un exercice d’autofiction où la véritable Eugénie se mêle à un personnage caricatural dont les déboires, sur Facebook notamment, sont prétextes à l’autodérision. Un langage et une intonation ancrés dans l’air du temps, où le punch domine, au détriment du liant qui ferait du spectacle une pièce résolument critique avec un message appuyé. Car ici, on recherche d’abord et avant tout le rire des spectatrices et spectateurs, en toute légèreté. La fin en forme d’hymne au bonheur, même si délicieusement ironique, participe de l’enchaînement des truismes sur la société des réseaux sociaux.
Le moins qu’on puisse dire cependant, c’est que la quasi-absence de ce genre de spectacle en français au Luxembourg (à noter qu’Eugénie Anselin a également joué « Wow » en allemand au Kasemattentheater) a aiguisé l’appétit du public : toutes les représentations se sont jouées ou se joueront à guichets fermés ! De quoi, on l’espère, donner des idées pour les saisons théâtrales à venir. En tout cas, quoi qu’on puisse penser des qualités proprement théâtrales de l’écriture de « Wow », impossible de nier le charisme sur scène de son autrice et interprète. Après tout, il n’y a pas de mal à faire fonctionner les zygomatiques.