Union des syndicats OGBL et LCGB : « Ils voulaient nous diviser… »

Tandis que le gouvernement tente de monter les syndicats les uns contres les autres, l’OGBL et le LCGB créent une asbl commune pour formaliser leur rapprochement et leur action collective. Les deux syndicats ne vont pas disparaître pour autant, mais ils veulent démontrer leur détermination à lutter ensemble contre une remise en cause sans précédent des acquis sociaux.

Clin d’œil : à l’occasion de la fête nationale, l’OGBL a posté sur ses réseaux sociaux un photomontage de la Gëlle Fra brandissant un appel à manifester le 28 juin. (Photomontage : OGBL)

« Je veux dire aux gens qu’ils ne doivent pas aller à la manifestation, car c’est la paix sociale et l’avenir du Luxembourg qui sont remis en cause » : ce n’est pas le cri du désespoir, mais les propos tenus par Michel Reckinger, ce mercredi 25 juin, y ressemblent cependant un peu. Sur RTL, le président de l’UEL dit tout le mal qu’il pense de la manifestation organisée samedi par le LCGB et l’OGBL. Rejoints par des organisations de la société civile et par les partis d’opposition (hors ADR), les syndicats dénoncent la politique antisociale mise en place et le virage autoritaire désormais emprunté par le gouvernement Frieden, qui entend notamment restreindre le droit de manifester (woxx1840). « Depuis le début, l’objectif de cette manifestation est de faire tomber le gouvernement », poursuit le patron des patrons, déroulant ses habituels éléments de langage sur les réformes supposées indispensables du droit du travail et des pensions. « Nora Back n’a laissé aucune chance au gouvernement », enfonce Michel Reckinger dans un argumentaire exclusivement dirigé contre l’OGBL et sa présidente. « C’est une organisation populiste de gauche, proche de la CGT et de La France insoumise », ose encore le président de l’UEL, sans jamais mentionner le LCGB au cours de son intervention.

La volonté d’enfoncer un coin entre les deux premières organisations syndicales du privé, historiquement concurrentes, est manifeste, au point d’être parfois grossière. À l’instar du patronat, le gouvernement tente de jouer le jeu de la division et multiplie les saillies contre le front syndical qui s’est peu à peu dessiné contre lui en 2024, autour de dossiers comme les conventions collectives, les pensions ou l’organisation du travail dans le commerce. Ces dernières semaines, les tentatives de division se déportent parfois sur le terrain personnel, tel ministre faisant mine de s’inquiéter auprès de Nora Back de l’agressivité de son homologue Patrick Dury, et vice versa. Dans l’après-midi du 1er mai, à Neimënster, Luc Frieden avait ainsi larmoyé auprès des responsables de l’OGBL, après le discours sans concession que le président du LCGB avait livré face à lui, le matin même, à Remich (woxx 1836). D’autres s’enquièrent, d’un ton soucieux, de la santé de Nora Back lorsqu’elle fait barrage aux injonctions gouvernementales au cours de réunions dans les ministères. Bref, on n’hésite pas à taper en dessous de la ceinture. Sur un autre registre, rapporte une source syndicale, le gouvernement tente de diviser LCGB et OGBL en leur faisant miroiter tour à tour l’avantage qu’ils prendraient sur leur concurrent en termes de nombre de signatures de conventions collectives s’ils acceptaient la réforme des heures d’ouverture et du travail dominical dans le commerce.

Réponse du berger à la bergère : ce vendredi 20 juin, le LCGB et l’OGBL ont officialisé une nouvelle étape dans leur rapprochement en lançant une « Union des syndicats OGBL et LCGB ». Alors que le front syndical uni, lancé en janvier dernier, était purement informel, cette nouvelle union prend la forme d’une asbl, officialisant et structurant le travail mené en commun par les deux syndicats. « C’est un moment historique dans l’histoire syndicale de notre pays », a solennellement déclaré Nora Back, au cours d’une conférence de presse, dans les locaux de la CSL. « Il ne s’agit pas d’une fusion, et les deux syndicats, qui comptent 125.000 membres ensemble, vont demeurer. Chacun en sortira durablement renforcé », a anticipé Nora Back. « Luc Frieden nous a mis face à de nouvelles réalités politiques dures, face à de nouveaux défis pour les syndicats, pour les représentants des salariés », a argumenté Nora Back, précisant que la préparation de la manifestation nationale de ce 28 juin a renforcé la dynamique commune.

Déambulation bucolique avec Frieden

Concrètement, il reviendra à l’Union des syndicats OGBL et LCGB d’aligner les agendas des deux syndicats, de définir un catalogue de revendications communes, de discuter de tous les sujets politiques et sociaux pertinents ou encore d’aplanir les différends qui pourraient apparaître entre délégué·es des deux syndicats dans des entreprises où ils et elles se sont parfois âprement concurrencé·es pendant des années. L’asbl sera coprésidée par Nora Back et Patrick Dury, le conseil d’administration étant composé à égalité de 24 membres issus des deux syndicats.

« Le gouvernement agit de concert avec le patronat, nous agissons ensemble », a résumé Patrick Dury au cours de la même conférence de presse. « Ils font tout pour affaiblir les syndicats et leurs délégués et font semblant de nous consulter avant de décider seuls », a rappelé le président du LCGB. « Ils voulaient nous détruire et nous diviser, et c’est tout le contraire qui se passe : ils nous ont renforcés », a renchéri Nora Back. Les deux syndicalistes ont insisté sur l’excellence de leur collaboration et de leurs échanges personnels, au cours desquels ils disent ne rien se dissimuler.

« Nous nous parlons tous les jours », confirme Patrick Dury au woxx, constatant par ailleurs l’approbation de la base syndicale : « Cette union est très bien vue par nos membres. Ils nous en félicitent et nous adressent des retours très positifs. Cela permet d’unir toutes nos énergies pour combattre les idées néolibérales qui font mal aux salariés. » Pour le président du LCGB, le premier ministre CSV a incontestablement joué « un rôle de catalyseur » dans cette affaire.

Il y a deux semaines, Luc Frieden a dit qu’il irait se promener dans la nature le 28 juin, témoignant de son mépris vis-à-vis de la mobilisation sociale. Lorsqu’il est interrogé par RTL, Michel Reckinger, de son côté, ne dit pas quel sera son programme au moment où la manifestation syndicale s’élancera de la gare de Luxembourg, mais il encourage « la majorité silencieuse » à se joindre à la déambulation bucolique du premier ministre. On est impatient de faire les comptes.

Les fonctionnaires font manif à part

Les syndicats des agents de la fonction publique CGFP, des fonctionnaires communaux FGFC et des cheminots Syprolux ont manifesté ce mercredi 25 juin devant la Chambre des député·es contre la réforme des pensions, qui touchera également les fonctionnaires. Quelque 500 personnes se sont rassemblées pour dire leur colère, sous l’œil des parlementaires, dont certains se sont joints à la protestation. Longtemps hésitants, les fonctionnaires ont finalement décidé de manifester à part sur le seul sujet des pensions, déclinant l’invitation au rassemblement du 28 juin, à l’appel du LCGB et de l’OGBL. Ces derniers entendent contester plus largement la politique néolibérale du gouvernement, notamment ses attaques contre les conventions collectives, sujet ne concernant pas la fonction publique. Par solidarité, les deux syndicats du privé ont néanmoins délégué des troupes dans la manifestation des fonctionnaires. « Le gouvernement est arrogant et sa consultation sur les pensions n’est qu’un simulacre de débat », a lancé Romain Wolff, le président de la CGFP, qui fustige depuis de longs mois la rupture du dialogue social par le gouvernement. Il a une nouvelle fois reproché à la coalition CSV-DP son approche antidémocratique, la réforme des pensions n’ayant été annoncée dans aucun des programmes des deux partis.


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