Réflexions à chaud sur l’issue du référendum sur le droit de vote résidentiel
Lorsque l’année dernière, je prenais connaissance des premiers sondages sur le référendum, j’étais agréablement surprise. Surprise, parce que mon image de la société luxo-luxembourgeoise était plutôt celle d’une approche générale assez réservée sinon négative ou encore un fort désintérêt vis-à-vis des personnes sans passeport luxembourgeois. Faut-il conclure du résultat du référendum que le bref espoir soutenu par les sondages d’une modernisation de cette société s’est avéré une illusion ? On en saura plus lors de la réouverture des débats sur la naturalisation.
Quelques pistes sur le fond et la forme de la campagne :
– Les nonistes ne constituent pas un bloc uniforme, il y a différentes raisons de dire non qui coexistent et parfois s’entremêlent : gifle au gouvernement mal-aimé ; envie diffuse de rester « maître chez soi » ; aversion de devoir parler d’autres langues que le luxembourgeois ; ne pas voir l’utilité du droit de vote, alors qu’il y a l’offre de la double nationalité ; des droits politiques vécus comme privilège et non comme devoir citoyen ; dans cette lignée, droit de vote perçu comme expression d’une soi-disant communauté historique « luxembourgeoise » et non comme l’expression d’un projet commun des gens qui vivent ensemble sur un territoire.
– J’ai été surprise par le nombre de personnes qui disaient : il n’y a que se faire luxembourgeois. Les conditions très restrictives (notamment les dix ans de résidence) étaient sûrement contre-productives pour convaincre les pragmatiques de l’utilité de l’ouverture du droit de vote, alors que pour d’autres, prendre la nationalité semble décidément avoir une forte valeur symbolique. Pourtant, en même temps qu’ils favorisent la double nationalité, les adeptes de la nationalité luxembourgeoise « bradent » ce qui leur est cher : car en facilitant la naturalisation, les « vrais » Luxos de souche vont disparaître encore plus vite – mais d’ailleurs, qui pourrait se désigner comme tel parmi tous ces arrière-petits-enfants de soldats de Napoléon, de sidérurgistes lorrains, de paysans belges ou de domestiques allemandes, ou plus tard de l’immigration italienne, polonaise, portugaise ou yougoslave ? C’est peut-être un indice qu’il y a quand même une petite avancée par rapport au nationalisme des années 1980 : la fraction des ethno-nationalistes qui veulent garder une nation luxembourgeoise « pure » semble devenue minoritaire.
– Les expériences passées de l’ouverture du droit de vote communal n’ont été reprises dans le débat que pour conjurer le danger d’une masse de nouveaux électeurs et électrices. En fait, c’est justement le contraire qui s’est passé : on a vu que cette ouverture n’a déclenché qu’un processus très timide de participation étrangère, et on pourrait à la limite parler d’un échec de l’entreprise, lié d’ailleurs aux conditions dissuasives qu’il faut remplir.
– La revendication de la langue luxembourgeoise est incluse dans celle de la nationalité, puisqu’il faut passer le test de langue pour accéder à la nationalité. À voir dans les prochains débats sur la naturalisation si les conditions de langue vont effectivement être allégées. Plus généralement, je pense cependant qu’on est sur une mauvaise piste depuis que Juncker a déclaré que le luxembourgeois devait être la langue de communication au Luxembourg. Au lieu de se concentrer autant sur la condition de la langue luxembourgeoise chez les non-Luxembourgeois, il faudrait plutôt activement favoriser notre trilinguisme comme base du vivre ensemble. Aujourd’hui je rencontre des jeunes universitaires pour lesquels après 13 ans d’apprentissage du français parler français n’est pas un geste normal, mais une corvée.
– Certaines institutions traditionnelles étaient pratiquement absentes du débat. Je pense notamment aux syndicats qui semblent plus intéressés par le TTIP et la réforme fiscale qu’à une question fondamentale sur l’égalité en droits politiques. Cela en dit quelque chose sur leur peur d’offusquer leur clientèle luxembourgeoise. Mais également, les syndicats ne semblent pas ou plus fonctionner comme lieu de discussion et de formation politique et comme lieu du vivre ensemble des Luxembourgeois et des non-Luxembourgeois.
Quant à la forme :
– Formuler des questions par lesquelles on ne donne que le choix du oui ou du non risque de frustrer et de polariser les gens. Il faudrait plutôt proposer différentes alternatives.
– Si on veut sérieusement favoriser une culture du référendum, les deux essais récents ont montré combien il est absurde de vouloir laisser le parlement voire le gouvernement organiser le débat pré-électoral. Il nous faudrait une institution plus neutre et crédible pour jouer ce rôle. Et enfin, il faudrait se donner les moyens pour établir des formes nouvelles de discussion, le vieux modèle des réunions d’information ne fonctionne définitivement plus.
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