Xavier Dolan
 : Un peu juste

Surdoué, Xavier Dolan ? Le Grand Prix que « Juste la fin du monde » a obtenu à Cannes le laisserait penser. Mais le film, plutôt maniéré, relativise cet engouement peut-être un peu trop médiatique.

L’un des rares plans larges d’un film où gorges et visages restent serrés en permanence.

L’un des rares plans larges d’un film où gorges et visages restent serrés en permanence.

Au générique, outre la réalisation, il est crédité de la conception des costumes, du montage et… des sous-titres anglais. Il sait tout faire, Xavier Dolan. Et à 27 ans il peut revendiquer une œuvre cinématographique impressionnante, si l’on y ajoute ses prestations d’acteur. Son discours de remerciements à Cannes en mai dernier, pour son deuxième prix déjà en sélection officielle, l’a montré très ému devant cette reconnaissance si précoce de son talent. C’est vrai qu’il fait souffler un vent frais sur le cinéma francophone : en témoigne l’excellent « Mommy », où l’invention de la mise en scène rejoint une direction d’acteurs très assurée.

« Juste la fin du monde », c’est au fond une histoire assez simple : se sachant condamné, un jeune auteur de théâtre rentre dans sa famille, qu’il n’a pas vue depuis douze ans, pour annoncer sa mort prochaine. Le film est une adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce, victime du sida à 38 ans. Que se dire lorsqu’on ne s’est pas parlé depuis tant d’années, comment annoncer une telle nouvelle à ceux qui vous aiment encore malgré votre départ, vous idéalisent parfois ? Devant ces questions, Dolan choisit de mettre en scène les silences, ces petits instants d’éternité où l’on pense que l’on a tout compris pour finalement se rendre compte de son ignorance.

Le parti pris était pertinent, car c’est dans les non-dits et dans la suggestion que le film pouvait apporter un surcroît de sens à la pièce, aux dialogues percutants. Le problème, c’est que Dolan, sûr de lui, a voulu en faire un long métrage à la forme impeccable, aspirant au label chef-d’œuvre. À raison si l’on veut, puisque le jury de Cannes l’a récompensé. Mais avec ces gros plans permanents sur les visages, qui ne nous épargnent rien des moindres imperfections et scrutent la moindre larme d’émotion, on est vite pris de claustrophobie. D’autant que le cinéaste abuse des flous, autorisant rarement le spectateur à voir plus d’un personnage en même temps. Si le but était de rendre l’atmosphère étouffante, il est atteint au-delà des espérances du réalisateur. De leur côté, les acteurs sont un peu en surrégime : Marion Cotillard, au départ attendrissante de maladresse, finit par simplement agacer, et, rapidement, on ne prête plus attention au complexe d’infériorité de Vincent Cassel qui en rajoute en permanence. Et puis les flash-back musicaux stylés semblent être là dans l’unique but de gommer l’impression de théâtre filmé.

Dire que « Juste la fin du monde » se résume à des scènes de pugilat qui alternent avec des moments de non-dits filmés façon art et essai serait donc au fond assez représentatif, tant l’impression qui demeure peine à extraire des instants mémorables. Dolan en ménage pourtant, tel cet instant magique où Louis, le héros joué par Gaspard Ulliel, se méprend sur le sens de la question « Combien de temps ? » que lui pose sa belle-sœur. Lui croit y voir l’indice qu’elle a compris son état de santé, alors qu’elle veut simplement savoir quand il rejoindra la famille pour le dessert. Mais n’a-t-elle pas tout deviné finalement ? Dommage que ces moments soient si rares dans un film trop formaté où l’empathie, essentielle pour un tel sujet, reste trop souvent absente.

À la Cinémathèque.

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