Théâtre
 : Les sillons de la déconne

Avec « 7 janvier(s) », la Kulturfabrik entame une coproduction exceptionnelle et poursuit sa coopération transfrontalière. La pièce coécrite par l’auteur de polars Caryl Férey et le réalisateur-acteur Gérald Dumont prend l’attentat contre « Charlie Hebdo » comme point d’ancrage d’une comédie noire.

À l’aise à la Kulturfabrik :
Caryl Férey et Gérald Dumont.

« Et surtout, dites aux gens que la pièce ne sera pas plombante », répète Gérald Dumont en fin de conférence de presse. Pas facile pourtant de s’imaginer qu’une pièce qui commence en ce 7 janvier 2015 fatal – jour des attentats contre « Charlie Hebdo » et l’Hyper Cacher – puisse être une franche rigolade. Surtout que Gérald Dumont, qui connaissait personnellement Charb, le dessinateur vedette de l’hebdomadaire satirique, reste remonté par les faits : « J’en veux toujours aux frères Kouachi (les terroristes à l’origine du massacre de la rédaction, ndlr) », témoigne-t-il.

D’autre part, qui veut rendre hommage à cette publication joyeusement irrévérencieuse se doit aussi de déconner, car « déconner c’est sortir du sillon », explique Dumont. Et sortir lui-même du sillon qu’il avait envisagé, c’est aussi ce qu’il a dû faire pour en arriver à « 7 janvier(s) ». Car au début, il envisageait tout autre chose : une pièce sur le monde politique. Mais, très vite, Dumont trouve cet univers « trop dégueulasse » et se tourne vers un autre sujet. Vu que les événements de janvier 2015 revêtent pour lui un caractère « obsessionnel », le choix est vite fait. Et c’est aussi le moment où il s’assure la collaboration de Carly Férey.

Auteur de polars comme « Condor », « Mapuche » ou encore « Zulu » (adapté au grand écran en 2013 par Jérôme Salle avec Orlando Bloom et Forest Whitaker dans les rôles principaux), ce dernier est connu pour son goût de l’exotisme – presque chacun de ses romans à succès se déroule sur un autre continent – et l’hyperviolence assumée de ses récits. Ce que l’on sait un peu moins, c’est qu’entre deux polars, Férey s’autorise généralement une détente littéraire en faisant tout à fait autre chose : « Quand j’ai passé entre trois ou quatre ans sur un bouquin, recherche et écriture incluses, je dois aussi me changer les idées. Ce qui explique cette alternance entre romans violents et déconne », explique le Breton – qui d’ailleurs projette un nouveau polar sur la Colombie où il s’est rendu cette semaine après la présentation à Esch.

Pour Férey la coécriture d’une pièce dramatique est tout de même une première, et l’auteur a admis qu’au début cet exercice lui posait pas mal de problèmes : « Dans une première version, j’ai écrit une sorte de nouvelle », a-t-il raconté. Mais petit à petit, dans un travail de longue haleine, « Catastrophe(s) » – qui était le titre initial – est devenue la pièce que le public pourra découvrir sous peu.

Ce qu’on peut déjà révéler, c’est qu’elle se déploie en deux parties. D’abord un monologue évoquant le jour fatidique en soi, depuis la perspective des gens ordinaires dont le quotidien a été brusquement interrompu – aussi pour marquer qu’il y aura toujours un avant et un après 7 janvier. La deuxième partie sera une fiction d’anticipation de ce que sera le monde dans une quarantaine d’années. Comment évoluera-t-il ? Y aura-t-il toujours autant, voire plus de réfugiés et comment la société aura-t-elle réagi ? Ce sont les questions auxquelles « 7 janvier(s) » tentera de trouver une réponse, forcément entachée d’humour très très noir.

Une pièce donc qui est en même temps une sorte de cure pour le traumatisme qui n’a fait que commencer en ce triste début d’année 2015 et qui a été prolongé par tous les attentats qui ont eu lieu après – c’est aussi pourquoi le mois est mis au pluriel dans le titre. Et une piqûre de rappel apparemment nécessaire – bien que dans la liste publiée récemment par l’administration Trump sur les attentats que les « lying media » n’auraient pas – ou pas assez – couverts, le 
7 janvier ne figure pas…

Les 9, 10 et 11 mars à la Kulturfabrik.

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