CRISE CAUCASIENNE: Bisounours contre Gargamel

Pour beaucoup de commentateurs, la crise caucasienne se réduit à un conflit entre le bien et le mal, l’Occident et la Russie. Alors qu’il s’agit en fait d’un conflit d’intérêts entre grands blocs de puissances.

Dans la crise caucasienne, il n’est finalement pas très pertinent de savoir qui, de Mikheïl Saakachvili, ou de la Russie poutinienne « a commencé ». Penchons-nous sur le traitement de ce conflit par nos propres médias occidentaux et les prises de position de nos gouvernements.

Si le traitement de l’information en Russie n’est certes pas un exemple de pluralisme et de transparence, il est toutefois intéressant de disséquer « nos » réactions à « nous », Occidentaux. La quasi-totalité de la presse a condamné l’intervention russe et la violation de l’intégrité du territoire géorgien. D’autres commentent le « piège » dans lequel le président géorgien aurait été attiré par Moscou « la perfide ». Désormais, Saakachvili pourra mâcher autant de cravates qu’il voudra : ce nationaliste encensé par Bush et consorts entrera dans l’histoire comme ayant été celui qui aura réduit durablement la superficie de l’Etat à la tête duquel il s’était installé à l’issue de la « révolution des roses ».

La Russie a en effet violé le droit international. La Géorgie quant à elle, a provoqué un bain de sang auprès de ses propres citoyens. La Russie de Poutine fonctionne de manière autoritaire et réprime les manifestations d’opposants politiques. La Géorgie de Saakachvili aussi.

Il y a bientôt dix ans, l’Otan avait violé le droit international en bombardant Belgrade. Cette année, un certain nombre d’Etats ont reconnu l’indépendance de la province serbe du Kosovo, dont le premier ministre Hashim Thaçi, ancien criminel de guerre, n’a rien à envier à ses voisins en matière de nettoyage ethnique. Pourtant, il est actuellement à Pristina et non pas sur les bancs d`accusation à La Haye.

Pourquoi ? Nous allons l’expliquer dans le langage diplomatique des chancelleries occidentales : parce qu’il est, tout comme Saakachvili, un ami de l’Occident (c’est nous). Et il faut bien comprendre une chose : l’Occident est gentil. La Russie est méchante. Il paraît même que de récentes découvertes anthropologiques ont révélé que l‘ « Homo occidentalis » descendrait du Bisounours. Contrairement aux Russes, qui descendent de Gargamel.

Les médias se font l’écho d’affirmations fumeuses, en commençant par l’exercice douteux des analogies historiques. Pour les uns, la modération des réactions européennes constituerait une réédition de l‘ « appeasement » munichois. D’autres préfèrent se replonger dans la confortable et manichéenne guerre froide. Pourtant, nous sommes loin des conflits à forte connotation idéologique, entre démocraties libérales, fascismes et Etats staliniens.

Depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir, la Russie a commencé à se refaire une santé, en termes de puissance économique, militaire et énergétique. Les dirigeant-e-s moscovites défendent, comme celles et ceux à Paris, Londres, Berlin ou Washington, les intérêts de leurs classes dirigeantes.

Certains écrivent ou disent que l’intervention russe dans les républiques autonomes géorgiennes aurait constitué un précédent grave, aurait ouvert une nouvelle ère. C’est faux. Le précédent remonte à plus loin, à 1999, date de la guerre de l’Otan contre la défunte Yougoslavie et la reconnaissance, cette année, par certains Etats peu inspirés, de l’indépendance du Kosovo (à laquelle la Russie et la Géorgie se sont opposées). La nouvelle ère a commencé depuis belle lurette, avec la chute du Mur de Berlin.

C’est l’ère des grands blocs qui avancent leurs pions sur l`échiquier mondial, le tout sur fond de récession économique généralisée à laquelle s’ajoutent des tensions et des conflits de plus en plus armés. Un jeux qui finalement profite à une minorité, mais n’apporte que désolation aux populations, indifféremment de leur lieu de naissance. Comme en 14 ?
Excusez du peu, nous avons oublié que nous n’aimions pas les analogies historiques …


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