La procédure de régularisation n’a plus qu’une moitié de chemin à faire pour aboutir définitivement. Bilan intermédiaire.
Arrivé-e-s à mi-chemin, les ministres de la Justice et du Travail se sont félicité du bon travail effectué, lors d’un point presse, même s’ils ont pris du retard. La cellule de régularisation luxembourgeoise ne devait fonctionner que jusqu’en mai prochain. Fin janvier, elle a su clôturer 49,16 pour cent des 1.544 dossiers introduits entre la mi-mai et la mi-juillet 2001. Le ministre du Travail, François Biltgen, a donc annoncé que cette cellule continuerait de fonctionner au-delà de mai 2002, si ce n’est que par nécessité de suivi de certains dossiers. Et puis, comme le ministre n’a pas manqué de le remarquer, le retard du Luxembourg dans sa procédure de régularisation est loin d’être dramatique, comparé à celui qu’a accumulé la Belgique; une sorte de précurseur en la matière.
Parmi les dossiers clôturés, 585 ont abouti à l’attribution d’un permis de travail, 109 ont donné lieu à un refus et 65 ont été transmis au ministère de la Justice. Ces derniers dossiers auraient été introduits par des personnes non-régularisables, ce qui n’empêcherait pas forcément l’application éventuelle d’autres formes d’intégration. A l’administration de Luc Frieden de décider de ces cas …
A côté de ces décisions définitives, il y a plusieurs personnes qui se sont vu donner une autorisation de travail à titre provisoire. En ajoutant ceux-ci aux 49,16 pour cent précédant, on obtient 54,34 pour cent de dossiers pratiquement clôturés. 76 de ces dossiers n’attendent plus qu’une preuve de résidence ininterrompue depuis le 1er juillet 1998. Six autres cas disposent d’un travail, mais pas encore d’un passeport valable. La „Plate-forme pour la régularisation“ – regroupant cinq associations: Asti, Caritas, Clae, OGB-L et Sesopi – a dénoncé cette exigence de passeports valables. Celle-ci ne semble pourtant plus représenter un gros blocage pour les régularisations. Parmi les 2.856 personnes ayant demandé à être régularisées, 2.085 auraient maintenant leur passeport.
Mais, comme l’a déclaré la „Plate-forme“ en novembre dernier: „… la réalité est que les autorités yougoslaves en particulier ne délivrent ces passeports qu’au compte-gouttes, qu’elles ne les délivrent que de manière délibérément sélective (ainsi, aucun Albanais du Kosovo ne semble encore avoir pu se faire délivrer un nouveau passeport) et que certaines personnes se sont même vues refuser la délivrance d’un simple récépissé de demande de passeport!“ Les six personnes qui ont maintenant reçu un permis de travail provisoire ont néanmoins eu un tel récépissé, ce qui suffit donc, pour le moment. Dans ces cas, la procédure semble surtout avoir été assouplie pour éviter que les patrons ne perdent patience.
Patrons qui ont le droit de licencier des personnes régularisées, qui elles, par contre, ne peuvent pas démissionner sans conséquences. Dans le premier cas, le/la travailleur-euse peut se remettre immédiatement à la recherche d’un nouvel emploi. Dans le second, il/elle doit reprendre toutes les démarches – et donc craindre un refus – en vue d’obtention d’un permis de travail valable, tout d’abord, pour une année.
Pour placer les personnes régularisées dans les secteurs les plus confrontés à une pénurie de main-d’oeuvre – artisanat, Horesca, agriculture – différents problèmes se posent. François Engels de la Fédération des artisans explique: „Lors des interviews avec les personnes concernées nous avons eu à faire surtout à deux problèmes. D’abord: la qualification des gens. Souvent les candidats étaient même surqualifiés. Il y avait ainsi, par exemple, un certain nombre de professeurs de mathématiques, difficiles à placer dans des entreprises artisanales qui ont d’autres besoins en la matière. Et puis: le problème des langues. Certaines des personnes que nous avons rencontrées ne connaissaient aucune des langues usuelles au Luxembourg. Il est normal qu’un patron d’entreprise craigne de telles difficultés de communication.“
La Fédération a ainsi effectué 110 interviews en juillet 2001 et 50 autres, il y a deux semaines. L’évaluation de ces dernières entrevues n’a pas encore abouti. En ce qui concerne les 110 premières interviews, elles ont permis de placer 38 personnes. „Il y a néanmoins des entreprises qui n’ont pas répondu à notre demande de connaître leur décision concernant les candidats que nous leur avons envoyés. Il est donc bien possible qu’il y ait plus de 38 personnes qui ont trouvé du travail suite à cette première action“, complète François Engels.
Combien de personnes régularisées sauront trouver et/ou garder leur emploi, reste donc à voir. En tout cas, le gouvernement se montre flexible face aux craintes énoncées par la plate-forme. Par exemple en ce qui concerne la catégorie D des demandes en régularisation – représentant les personnes atteintes „d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne lui permettant pas de retourner, endéans un an, dans son pays d’origine ou dans un autre pays dans lequel elle est autorisée à séjourner“. La ministre de la Famille, Marie-Josée Jacobs, a confirmé, selon des informations données par l’Asti, l’ouverture de ses services quant à l’obtention d’une aide sociale pour ces personnes. Evidemment, il faudra aussi attendre ce que cette flexibilité annoncée donnera sur le terrain.
Quant à Luc Frieden, ministre de la Justice, il ne semblait être présent au point presse de lundi dernier que pour deux raisons: sourire aux photographes et inviter ceux et celles qui se sont vu-e-s refuser leur régularisation à quitter le territoire luxembourgeois de leur propre gré … sinon il faudrait bien les y forcer.
Germain Kerschen