Le nouveau centre Pompidou de Metz a de hautes ambitions, mais n’arrive pas vraiment à se démarquer de l’original.
Deux choses frappent d’emblée le visiteur luxembourgeois quand il s’approche du centre Pompidou à Metz. Premièrement, le vaste espace dont profite le bâtiment conçu par Shigeru Ban. Au contraire du Mudam au Luxembourg, le nouveau centre Pompidou de Metz n’est pas entouré d’autres prouesses architecturales, mais profite du vide autour de lui qui met en valeur ses formes généreuses. Deuxième différence, on observe à l’entrée du centre Pompidou un phénomène qui n’est que trop rare au Mudam : des files d’attente. Et cela, même en pleine semaine, pendant les heures de travail. Et ce ne sont pas que des classes d’élèves qui doivent honorer un passage obligatoire dans ce nouveau monument national, mais aussi des Messins ou des touristes, allemands surtout.
On peut en donc conclure que l’installation du centre Pompidou à Metz est un franc succès populaire. Du moins, profite-t-il d’un certain essor et d’un degré d’acceptance bien plus élévé que son confrère grand-ducal. Mais cela est peut-être aussi dû à la « marque » Pompidou – qui attire plus de gens. Car un « musée d’art moderne » supplémentaire n’aurait sûrement pas été la même chose. Pompidou, ça sonne un peu comme si on était déjà à Paris. Un peu de glam métropolitain dans la tristesse lorraine, si on veut. Et surtout enfin, un gage d’honneur de la capitale envers une région trop souvent délaissée sur d’autres dossiers et qui n’a pas trop la côte par rapport aux autres régions de l’Hexagone. Qu’on se souvienne de Gandrange?
Toutefois, cette nouvelle infrastructure culturelle de première classe doit encore faire ses preuves, question contenu. Si l’exposition inaugurale, baptisée « Chefs d’oeuvres ? », affiche clairement les ambitions les plus hautes – dans l’introduction du dossier de presse de l’exposition, les responsables la comparent déjà à la mythique première exposition du centre Pompidou parisien « Paris-New York » – il faudra voir ce que donnera la suite. Car le hic du centre messin est patent. Par rapport au grand-frère de la capitale, il souffre de deux handicaps majeurs : il n’a pas de collection à lui et donc pas d’exposition permanente. Deuxio, les expositions temporaires seront les mêmes qu’à Paris – faisant du centre Pompidou Metz une simple antenne au lieu d’un lieu de création unique. Ce qui est dommage, car celles et ceux qui veulent voir les expositions dans leur cadre original peuvent aussi bien prendre place dans un TGV pour rejoindre l’original.
Simple antenne ou lieu original ?
L’exposition elle-même, « Chefs d’oeuvres ? », présente pourtant une approche pour le moins originale de l’histoire de l’art et de la création contemporaine. Le seul reproche qu’on pourrait lui faire, c’est une présentation un tantinet trop franco-française de l’histoire de l’art. D’un autre côté, une approche différente aurait beaucoup étonnée.
Le parcours proposé par « Chefs d’oeuvres ? » est double : à la fois historique et didactique. Au premier niveau, le visiteur est confronté à la notion de chef d’oeuvre. Un terme qui, à force d’être utilisé très souvent dans la langue courante du quotidien, s’est un peu vidé de sens ou en a changé.
Car le chef d’oeuvre original était avant tout une pièce confectionnée par un apprenti artisan, qui lui servait d’examen et de preuve pour l’acceptation parmi ses pairs. Cette pièce était alors considérée comme sa meilleure et la carrière de l’artisan pouvait alors commencer à utiliser son savoir-faire à son propre compte. Au centre Pompidou, on profite de cet incipit pour introduire un peu de colorit local dans le parcours. En d’autres mots, c’est bien le seul endroit où l’on trouvera des oeuvres d’artistes et d’artisans lorrains – surtout des pièces du Moyen-Age, comme des reliquaires en ivoire, des bagues précieuses, des verreries magnifiques ou encore des panneaux peints. A cette époque, le chef d’oeuvre présentait aussi une autre particularité : il se trouvait encore détâché de son auteur. En effet, la grande majorité des oeuvres de cette partie de l’exposition sont anonymes. Ce n’est que plus tard, au 19e siècle, que l’auteur et son chef d’oeuvre se retrouvent au même niveau, que la paternité d’une création importe aussi bien que la création elle-même. Pour expliquer cela, l’exposition se réfère à Balzac et à ses considérations sur l’art – allant même jusqu’à montrer la célèbre canne de l’écrivain. Rapidement, le 20e siècle, surtout à ses débuts, font irruption dans le parcours. Il faut dire que le contexte était idéal pour montrer plusieurs pièces-maîtresses de la collection parisienne, comme les tableaux géants de Robert Delaunay, peintre simultanéiste qui aimait décomposer en couleurs ses sujets, composant ainsi de vraies symphonies coloriées. Ici, l’architecture de Shigeru Ban concorde parfaitement avec l’emplacement des tableaux : des miroirs géants et multiformes reflètent aussi bien les oeuvres que les spectateurs en les multipliant à l’infini. Comme quoi, lever la tête dans un musée peut parfois avoir des effets secondaires inattendus.
Mais cela ne vaut pourtant que pour le rez-de-chaussée du bâtiment. Les autres étages – à l’exception du troisième qui comporte une grande fenêtre panoramique offrant une vue imprenable sur Metz, à l’instar du grand frère parisien – sont sobres et pourraient se trouver dans n’importe quelle autre bâtisse. L’exposition elle-même s’y perd un peu. Certes, il y a dans « Chefs d’oeuvres ? » une grande partie de pièces magnifiques venues directement des réserves ou de l’exposition permanente parisienne, mais le fil didactique commencé au rez-de-chaussée perd à la longue en pertinence. En d’autres mots, on ne peut s’empêcher de penser parfois que le thème de l’exposition sert plutôt de prétexte pour montrer des belles pièces. Mais de ces dernières, il y en a. Les connaisseurs du centre parisien y retrouveront quelques-unes des plus belles oeuvres issues de l’expositions permanente, comme des tableaux d’Yves Klein, une poupée de Hans Bellmer ou encore le célèbre « Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire » par Giorgio de Chirico. Et bien sûr, à chaque étage on retrouve les grands noms, ceux à qui le public s’attendait comme Picasso, Braque, Matisse ou encore Dalì ou Mirò. Dans un mode plus contemporain, on peut notamment citer une belle installation de Louise Bourgeois – qui vient juste de décéder – au deuxième niveau.
Généralement donc, l’exposition inaugurale est plutôt réussie, ne serait-ce son point de vue un peu trop franco-français sur l’histoire de l’art. En effet, en sortant de l’exposition on a surtout l’impression que tout ce qui touche à l’art et à la création doit avoir un lien avec la France. Ce qui est dommage, mais peut-être qu’un centre Pompidou n’est pas le lieu idéal pour abandonner le chauvinisme culturel français non plus.
Les chances que le centre Pompidou de Metz soit vraiment un signal de départ pour une région plutôt moribonde sont donc données. Pourtant, il faut faire attention à ne pas trop rester collé à la peau du centre parisien. Car Metz n’est pas Paris – il faudra donc calculer avec la Grande Région pour que le projet soit une vraie réussite. Et cela impliquerait du moins des légendes plurilingues?
Plus d’infos: www.centrepompidou-metz.fr
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