RÉSEAUX SOCIAUX ET FACEBOOK: A visage découvert

De nombreuses personnes sont actives dans des réseaux comme Facebook. Mais on y livre facilement plus d’informations personnelles qu’on ne le voudrait… surtout que les méthodes des marchands de données sont peu scrupuleuses.

« Je n’ai rien à cacher. » C’est la phrase magique avancée par ceux et celles qui s’activent sur le « Web 2.0 », c’est à dire sur les réseaux sociaux de la toile tels que Facebook. En précisant, le plus souvent, qu’« il faut faire gaffe à ce qu’on y dévoile » et que d’ailleurs, ils utilisent « des pseudos » – des noms méconnaissables – pour certaines activités.

Tel était le cas de Mario R., jusqu’à ce que la rédaction du magazine informatique allemand « ct » lui soumette les résultats de son enquête. Mario, qui avait auparavant donné son accord pour une publication de tout ce que le magazine trouverait, s’est alors rétracté. Le lectorat a dû se contenter d’un article contenant des informations génériques, paru dans le premier numéro de 2011 et intitulé « Datenschutz-Fallrückzieher ».

De toute façon, ce ne sont pas les petits secrets de Mario qui sont intéressants, mais l’assurance avec laquelle ce professionnel du secteur internet croyait pouvoir développer sa présence dans le Web 2.0 sans trop se livrer. Assurance ébranlée par la relative facilité avec laquelle le « ct » a pu dresser un portrait robot un peu trop privé au goût du concerné.

Mario mis à nu

A première vue, la présence de Mario sur les réseaux sociaux semblait centrée sur les activités professionnelles, assaisonnée de quelques gouttes de vie privée, comme cela est souvent le cas. Pourtant, « ct » a rapidement pu identifier son pseudo standard et a découvert l’adresse où il habite, qu’il avait pourtant retirée de l’annuaire téléphonique. Sans entrer dans les détails, le magazine affirme avoir pu reconstituer l’histoire de la romance entre Mario et sa femme depuis leur première rencontre jusqu’aux détails de leur vie avec leur enfant. Ensuite, notamment à l’aide de comparaisons de visages sur des photos mises en ligne, il a été possible d’identifier un second enfant de Marion, né d’une relation antérieure.

Mis à part la gêne causée à Mario d’être ainsi mis à nu, avec ses proches, cette multitude d’informations disponibles dans le monde virtuel faciliterait la mise en place d’une surveillance dans le monde réel. Ainsi on pourrait facilement prendre contact avec ses proches, en exploitant les informations sur les loisirs préférés ou la carrière scolaire et en s’inventant des intérêts ou des amis communs. Une fois la vie sociale de Mario infiltrée, un ennemi personnel, un stalker ou un espion pourrait y faire pas mal de dégâts. Notons que le magazine n’a utilisé que des informations publiquement accessibles. Il n’a pas tenté de découvrir les mots de passe de Mario ou de soutirer des informations protégées dans les réseaux sociaux – techniques tout à fait utilisables par une personne ou une institution malveillante.

Cet exemple semble donner raison aux argumentations des gestionnaires des réseaux sociaux : ce sont les utilisateurs qui décident eux-mêmes de mettre en ligne des informations exposant leur vie privée. Ainsi Mark Zuckerberg, chef de Facebook, a défendu une politique de protection des données laxiste en affirmant que : « Les gens sont à l’aise quand ils échangent de plus en plus d’informations avec de plus en plus de gens. Il s’agit simplement d’une norme sociale qui a progressivement évolué. » Or, comme le montre le cas de Mario, les gens sont bien moins à l’aise quand ils prennent conscience de ce qu’un recoupement de ces échanges permet de savoir sur eux. De surcroît, l’argument de Zuckerberg est intéressé. Facebook rapporte de l’argent à travers la pub ciblée, et pour bien la cibler, les annonceurs souhaitent avoir accès à un maximum d’informations sur les utilisateurs et utilisatrices.

Livrez vos ami-e-s !

En Allemagne, la voracité de Facebook en matière de collecte d’informations a donné lieu à plusieurs plaintes. Le délégué à la protection des données hambourgeois, qui s’était déjà frotté à Google pour son Streetview, reproche à Facebook de stocker des informations recueillies sur des non-membres du réseau. Le réseau fédéral de protection des consommateurs a également critiqué cette pratique et – face au mutisme de Facebook – entamé une procédure juridique.

Il s’agit plus précisément de la fonction « Friend Finder » ou « Retrouver des amis », qui propose aux membres de les mettre en contact avec l’ensemble de leurs connaissances, si on lui donne accès à un carnet d’adresses tel que les contacts d’Outlook ou de l’Iphone. Il s’agit d’une « fausse bonne idée », car le « Friend Finder » ne se contente pas de chercher des amis contacts déjà membres de Facebook. Il collectionne également les informations sur les autres contacts, leur envoie un courriel d’invitation, et tente de construire des profils relationnels sur base de l’ensemble des carnets d’adresses pompés.

A la suite de l’article sur Mario, on trouve dans le « ct » une liste de questions-réponses concernant les données privées sur Facebook (www.heise.de/netze/hotline/FAQ-Facebook-Privacy-1152427.html en allemand). On y apprend qu’il est possible de révoquer l’accès au carnet d’adresses et de faire enlever les données collectées sur soi-même de la banque de données Facebook.

Adieu Facebook ?

Ces replâtrages ne suffiront pas pour faire taire les critiques qui demandent que le « Friend Finder » se limite aux personnes déjà membres. En Allemagne, Facebook a payé le prix fort en termes d’image quand, en juin 2010, la ministre de protection des consommateurs Ilse Aigner a annoncé qu’elle fermait son compte. De nombreux membres potentiels ont sans doute été dissuadés de se connecter suite à l’attention médiatique et à l’image de fouille-merde du réseau social.

Facebook n’est pas entièrement indifférent à ces critiques et mise, dans une certaine mesure, sur la transparence et la responsabilisation de ses membres. Ainsi on peut s’informer des innovations en matière de données privées rien qu’en marquant d’un « J’aime » la page « Facebook Site Governance » – ce qu’a fait environ un tiers des 5,5 millions de membres estimés. L’article du « ct » mentionne aussi un certain nombre d’autres pages d’explications officielles en la matière, faciles à trouver… pour ceux et celles qui cherchent.

Hélas, les failles sont nombreuses. Ainsi, Facebook vient de divulguer que des développeurs d’applications (comme les jeux) ont revendu les identités d’utilisateurs à des marchands de données – ils seront sanctionnés. Il est conseillé d’être très restrictif en matière de droits accordés à des applications extérieures – des réglages détaillés sont disponibles depuis peu dans les paramètres de confidentialité. Autre faille : les boutons « Like » sur des sites externes. Il s’agit d’un « social plugin », qui permet de faire savoir que vous appréciez ces sites – mais permet aussi à Facebook de savoir quels sites vous visitez, et celà sans même que vous cliquiez le « Like ». Pour l’éviter, il faut à chaque fois se déconnecter de Facebook avant d’aller surfer ailleurs.

En considérant tout cela, vaut-il mieux quitter ou éviter Facebook ? Le réseau est extrêmement populaire – ce n’est pas par hasard que le magazine Time a fait de Mark Zuckerberg sa « Person of the Year 2010 ». Ceux et celles qui décideront que leur présence sur ce réseau est indispensable, trouveront rassurant que les moyens de contrôler leur « identité FB » s’améliorent – à condition d’y consacrer un peu de temps. Innovation récente : la possibilité de télécharger une intégrale de ses propres postings, plus d’autres messages et invitations – afin de contrôler s’il y a des contenus indésirables. On peut aussi désactiver temporairement son compte pour se rendre « invisible ». Enfin, on peut « supprimer définitivement » le compte – Facebook assure qu’au bout de quelque temps, toute trace de votre présence aura été détruite de manière irréversible.


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