LISTES ÉLECTORALES: Etrangers, mais pas seulement

Tout comme une femme n’est pas qu’une femme, un étranger n’est pas qu’un étranger. Le faible taux d’inscription sur les listes électorales de ces derniers devrait un peu plus pousser à la réflexion.

Selon les estimations de l’Asti, seuls 15 pour cent des étrangers se sont finalement inscrits sur les listes afin de peser lors de élections communales du 9 octobre. Le bilan est décevant et frustrant pour l’Asti et les autres associations qui ont déployé de gros efforts pour encourager les étrangers à s’inscrire. D’autant plus que les pouvoirs publics, se sont, du moins officiellement, rallié à cet engagement.

Mais n’étaient-ce là, comme l’on dit en Provence, que des « paroles verbales » ? L’on peut en effet douter de la sincérité, du moins de la détermination des pouvoirs publics de vouloir encourager les 40 pour cent d’étrangers qui vivent ici de s’inscrire. Certes, il est toujours facile de renvoyer la balle aux intéressé-e-s : après tout, les droits sont là, ils n’ont qu’à s’informer et à entreprendre cette démarche administrative. Et si l’on retournait la question ? Qu’en serait-il si les citoyens luxembourgeois devaient s’inscrire pour pouvoir voter ? Qu’en serait-il s’ils devaient, eux aussi, être au courant non seulement de la date des élections, mais aussi de la date butoir pour l’inscription ? Et qu’ils prennent le temps, voire prennent congé pour une, deux ou trois heures d’attente dans les administrations communales qui sont évidemment ouvertes que pendant les heures de bureau ? Et s’ils devaient rechercher les certificats de résidence dans les communes dans lesquelles ils ont résidé auparavant ? Et qu’ils rapportent un document officiel qui confirme qu’ils vivent au Luxembourg depuis au moins cinq ans ? Quel serait le taux d’inscription alors, sachant que même actuellement, alors que le vote est obligatoire, plus de dix pour cent d’entre eux ne se rendent même pas aux urnes le jour J ? Dans ce sens, la revendication de l’Asti, du Clae ou de certains membres du Conseil national pour étrangers, comme son vice-président, d’instaurer une inscription automatique, fait sens. Voilà une initiative politique qui vaudrait bien des affiches et des spots bien gentils, mais dont on peut douter qu’ils attirent l’attention au-delà du cercle des militant-e-s politico-associatifs.

Le problème est aussi plus profond : les meilleures actions proactives rencontrent leurs limites. En effet, un-e citoyen-ne ne se définit pas uniquement de par sa nationalité, mais aussi – et peut-être bien plus – de par ses origines sociales et sa position dans la hiérarchie du monde du travail. Et ces réalités conditionnent tout aussi fortement le rapport aux élections, voire la « foi » dans le système politique. Mais les discours officiels, sous vernis de progressisme bureaucratique, tendent à ignorer ces réalités. Cela se retrouve d’ailleurs dans la plupart des campagnes officielles « contre les discriminations », y compris celles concernant la questions des genres, où l’on se soucie bien plus du nombre de cadres féminines dans les conseils d’administration, sans piper mot des conditions de travail et de l’émancipation des femmes travaillant, par exemple, à temps partiel derrière une caisse de supermarché.

Le problème est similaire au niveau des étrangers. Tous ne sont pas égaux. Le fonctionnaire européen et le travailleur du bâtiment peuvent bien partager la même nationalité, ils ne partagent pas forcément les mêmes préoccupations. Sachant que la majorité des salarié-e-s de ce pays est étrangère, le vote des étrangers est avant tout une question de défense des intérêts de classe. Et l’on se demande, in fine, si celles et ceux qui sont élu-e-s dans les instances politiques ou les conseils d’administration défendront réellement les intérêts de celles et ceux qui prennent en charge leurs tâches domestiques ou l’éducation de leurs enfants, leur permettant ainsi de dégager du temps libre pour se consacrer à leurs innombrables réunions. Espérons qu’à l’avenir, les débats et les réflexions porteront également sur les conditions socio-économiques de nos concitoyens qui ne votent pas.


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