DROITS DE L’HOMME: Les irresponsables

Le cas de Salmi Taoufik Kalifi refait surface dans un avis de la Commission consultative des droits de l’Homme.

Avec une certaine régularité, le woxx rapporte des cas de demandeurs d’asile pour des motifs humanitaires ou politiques déboutés. Ainsi le cas de Victor Angata (voir woxx 1079), ressortissant congolais en délicatesse avec le pouvoir en place à Kinshasa et qui en est à sa quatrième demande d’asile. La situation des droits de l’Homme en République démocratique du Congo a beau être tristement célèbre, rien n’y fait : les autorités luxembourgeoises se terrent dans une logique bureaucratique implacable afin de justifier malgré tout des refoulements dont devront pâtir les premiers intéressés.

Et cela arrive. Un des cas les plus emblématiques est celui du tunisien Salmi Taoufik Kalifi. Petit rappel : en 2003, suite à une perquisition musclée de la police luxembourgeoise dans des milieux supposés islamistes, Kalifi fut rapatrié en Tunisie. Ce qui devait arriver, arriva : à son arrivée à Tunis, Kalifi fut immédiatement arrêté, condamné et passa six années dans les geôles de la dictature pro-occidentale.

Cette semaine, la Commission consultative des Droits de l’Homme (CCDH) est revenu sur cette affaire, suite à la réponse étonnante que le gouvernement donna au député André Hoffmann, qui voulait savoir, dans une question parlementaire du mois de juin de cette année, quelles étaient finalement les charges qui avaient été retenues contre Kalifi, les raisons pour lesquelles il avait été envoyé en Tunisie et la nature de la collaboration entre le Luxembourg et le régime de Ben Ali. Des questions auxquelles le Premier ministre a répondu lapidairement, en avouant qu’aucune charge n’avait pu être retenue contre lui, mais que sa demande d’asile n’avait pas pu être accordée. Par conséquent, Kalifi a fait l’objet d’un refus d’entrée et de séjour et fut rapatrié pour cette raison. En ce qui concerne le traitement subi en Tunisie, Juncker joue au candide : « Le Luxembourg n’a pas d’emprise sur le déroulement des procédures judiciaires dans lesquelles Monsieur Kalifi a pu être impliqué en Tunisie. »

Trop facile : la CCDH rappelle qu’à l’époque déjà, elle avait signalé au gouvernement que l’expulsion « se déroulait en violation de la législation nationale et des conventions internationales en matière de droits fondamentaux ». Une affirmation qui inquiète profondément la CCDH : « Si celui-ci n’était pas en mesure d’agir sur le déroulement des procédures judiciaires à Tunis, il est néanmoins évident qu’il assume la responsabilité pour le refoulement de Monsieur Kalifi en Tunisie. »

Le cas Kalifi met en lumière de manière tragique le cynisme d’une certaine realpolitik obnubilée par les contrats commerciaux et inféodée aux dictats de la « War on Terror ». Une semaine avant le début de la révolution, le régime de Ben Ali jouissait encore des faveurs du Luxembourg, qui y voyait un modèle de développement économique en Afrique du Nord. Il suffisait pourtant de sortir des hôtels et des salons feutrés de l’oligarchie du régime pour se rendre compte que ce « modèle » était basé sur la corruption et l’oppression des salariés et produisait à la chaîne chômage et pauvreté. Il fallut que l’Histoire se charge de cette petite leçon.


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