Certains attendaient le lycée pilote au tournant. Celui-ci doit faire face à de graves accusations dont les preuves font toutefois défaut. Une clarification devant les tribunaux serait alors souhaitable.
Le syndicat enseignant Apess n’est pas connu pour y aller de main morte. C’est surtout le cas depuis qu’il a été pris en main par quelques jeunes enseignants dont leur président, Daniel Reding, amateur de formules percutantes. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : l’ancien « nouveau lycée », désormais dénommé Lycée Ermesinde de Mersch (Lem), n’a jamais été porté dans le coeur de l’Apess. Les méthodes pédagogiques, de travail et d’évaluation appliquées dans ce lycée pilote se situent aux antipodes de l’idée que l’Apess se fait de l’enseignement, plus attachée au modèle « traditionnel ». Il n’est donc pas de mauvaise foi que de soupçonner ce syndicat d’avoir sauté sur l’occasion pour discréditer le Lem. D’ailleurs, l’Apess elle-même a du mal à cacher son animosité : dans le communiqué dénonciateur, on peut y lire qu’elle « note, avec une certaine satisfaction, que les grands coryphées et chantres d’antan de cette chapelle pédagogique ont presque tous demandé leur mutation dans des lycées on ne peut guère plus classiques ». Et de qualifier à l’envie le Lem de « religion ».
Promptement, l’association des parents d’élèves a réagi face aux diverses accusations relayées par l’Apess (climat de « terreur » et de harcèlement entretenu par la direction à l’encontre des enseignants ou d’élèves récalcitrants, procédures d’éviction non conformes aux statuts de la fonction publique, etc…). Normal, dira-t-on, il en va de la réputation de cette école particulière qui doit encore « faire ses preuves » et qui se trouve bien plus que d’autres sous les feux des projecteurs. Il conviendrait toutefois de poser la question de savoir, au cas où les allégations de l’Apess s’avéraient exactes, si tout se déroule dans les règles de l’art au sein des autres établissements du secondaire. Sont-ils tous exempts de conflits entre le corps enseignant et la direction ? N’arrive-t-il pas que des profs ou élèves « craquent » ou se sentent injustement traités ?
La particularité du Lem fait sa force. C’est aussi son talon d’Achille et la direction en est consciente depuis sa création. Ses détracteurs l’attendent au tournant. Si ce lycée se doit de se montrer « meilleur » que les autres, il serait toutefois illusoire d’en attendre un fonctionnement parfait, sans heurts et sans erreurs. Quelles que soient les motivations de l’Apess, cette affaire soulève une question pertinente : le Lem est-il un lycée comme les autres ? En effet, selon l’Apess, certains enseignants y auraient été nommés alors qu’ils avaient placé le Lem en dernière position de leurs choix. Il est exagéré de qualifier le Lem de « religion », comme le fait l’Apess (le système actuel n’en est-il alors pas une ?). C’est un projet où il est normal d’attendre de celles et ceux qui y participent une certaine adhésion. Dans ce cas, il est évidemment contreproductif de l’inclure dans le même système de sélection que les établissements « traditionnels » et ainsi « obliger » certains enseignants à participer à des méthodes d’enseignement auxquelles ils ne s’identifient pas.
A lire ou a écouter les affirmations et réactions des différentes parties, il est toutefois difficile de se forger un jugement. D’un côté, si les accusations relayées par l’Apess sont d’une certaine gravité, le syndicat n’a fourni pour l’instant que peu de preuves – hormis des allégations sous couvert d’anonymat – pour les étayer. Lorsqu’il évoque par exemple de nombreuses demandes de mutations, le lycée répond qu’il n’y en avait que quatre sur 70 sur l’année écoulée. Le lycée a également pour lui le soutien du comité des élèves, de celui des parents ainsi que d’une pétition signée par une centaine d’enseignants. A cela, l’Apess rétorque que certains d’entre eux auraient subi des pressions (notamment les chargés d’éducation, non protégés par le statut de fonctionnaire) visant à leur faire signer ladite déclaration. Qui croire ? Peut-être que l’unique solution réside en effet dans la plainte contre le syndicat que le directeur du Lem, Jeannot Medinger, a évoquée. Une plainte dont l’Apess s’est dite « demandeuse ». C’est malheureux, mais peut-être faut-il passer par les tribunaux pour clarifier la situation.