LUXEMBOURG, PARADIS FISCAL: Forteresse toujours

En s’en prenant au grand-duché en tant que paradis fiscal, l’économiste Gabriel Zucman voudrait « provoquer le débat au Luxembourg ». Mais la tendace est plutôt à se considérer comme un peuple martyr dans une forteresse assiégée.

Pour le jeune économiste français Gabriel Zucman, il est évident de considérer le Luxembourg comme un « paradis fiscal ». Pour cela , il ne se fie pas à des classements officiels, a-t-il expliqué dans une interview dans Paperjam. Il faudrait « s’appuyer sur des chiffres, à savoir l’argent qui est détenu par des étrangers dans des banques à l’étranger et se demander si un échange automatique d’informations existe ». Car à ses yeux, l’échange d’informations sur demande, tel qu’il est en principe pratiqué par le Luxembourg, ne suffit pas pour lutter efficacement contre la fraude fiscale. Même l’échange automatique aurait des faiblesses qui ne manqueraient pas d’être exploitées par les banquiers et leurs clients.

Afin de contrôler les déclarations, notamment concernant les origines des fonds placés à travers le montage de sociétés-écran, Zucman propose de créer en plus un cadastre financier mondial. Et si les paradis fiscaux n’acceptent pas de collaborer dans la lutte contre la fraude, il suggère des sanctions conséquentes. Contre des pays hors de la zone de libre-échange de l’Union européenne comme la Suisse, il y aurait des sanctions douanières, et contre le Luxembourg… l’exclusion de l’Union. Pour le chercheur, il faut « des menaces de sanction à la hauteur des pertes que subissent les pays étrangers » – dans le cas de la France, il s’agit de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an, tous paradis confondus.

A l’assaut !

Lors de la présentation mercredi du livre de Zucman « La richesse cachée des nations » sur France Inter, l’avocat-fiscaliste luxembourgeois Alain Steichen est également intervenu. « Un raccourci intellectuel inacceptable », c’est ainsi qu’il a qualifié le raisonnement selon lequel tout dépôt non géré en France et protégé par le secret bancaire serait forcément de l’argent en évasion fiscale. Le Luxembourg aurait beaucoup changé sur ce plan, a assuré Steichen, tout en admettant qu’il y a dix ans, on pouvait le qualifier à juste titre de paradis fiscal. Le problème, c’est qu’il y a dix ans, d’autres avocats-fiscalistes, avec des arguments semblables, juraient que le qualificatif de « paradis fiscal » était complètement injuste. Parce que les tricheurs d’hier assurent avoir changé, il faudrait les croire ? Parce que les critiques d’hier ont eu raison, il ne faudrait plus les écouter ?

Dans Paperjam, Gabriel Zucman explique qu’il espère « provoquer le débat au Luxembourg ». Pourtant, au grand-duché, la solidarité inconditionnelle avec la place financière semble la règle contre ce qui est perçu comme du « Luxembourg-bashing », comme l’a appelé Alain Steichen. Le bon patriote, qu’il soit journalier ou journaliste, de droite ou de gauche, n’hésite pas à nier les évidences : on se plaint que ces méchants Français s’en prennent à « notre petit pays » sans jamais évoquer les autres « paradis ».

Or, si le Luxembourg n’est pas le seul endroit où disparaît la « richesse cachée », son rôle, en partenariat avec la Suisse, est indéniablement central pour l’évasion fiscale en Europe. Et pour tous ceux et celles qui donnent une signification politique universelle à la notion de justice sociale, il devrait être évident que le statut de super-parasite du grand-duché – qui profite des profiteurs – ne doit pas être maintenu. Combien sont-ils et elles à admettre que leur pays est autre chose que l’élève modèle de l’Europe ? Zucman rappelle que, sur le plan économique, « le Luxembourg d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui qui a cofondé l’Union européenne en 1958 ». Sur le plan de la conscience politique non plus.


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