BUDGET: Hollandisation

Du vent nouveau à l’autisme austéritaire, il n’y a souvent qu’un petit pas. Un pas que le gouvernement de coalition s’apprête à franchir. En témoigne entre autres le budget culturel.

Photo : SIP

Le réveil a été brutal dans la scène culturelle après le dépôt du budget la semaine dernière. Alors que chacun savait que très probablement il n’y aurait pas plus d’argent qu’avant, les mauvaises surprises – dictées d’en haut – commencent à dresser un tableau clair de la volonté politique du gouvernement en matière culturelle.Mais un gouvernement qui ne voit dans la culture qu’un secteur économique de plus qu’il faut rendre plus efficace a tout faux.

Certes, la culture est aussi un facteur économique important – en France par exemple, le « PIB culture » est estimé à 3,2 pour cent du PIB total pour 2013, soit 57,8 milliards d’euros, sept fois plus que le secteur automobile, alors qu’il ne coûte que 21,5 milliards aux contribuables. Mais au Luxembourg, un tel « PIB culture » n’est pas encore dans les projets du Statec. Peut-être que cela aiderait le ministère dans sa prise de décision ? Puisque, finalement, comme l’a remarqué Lars Schmitz du collectif « Richtung 22 », même l’Allemagne donne un plus gros pourcentage de son budget à la culture que le grand-duché (1,64 pour cent contre 0,89 pour cent).

Culture, coopération ou presse – le gouvernement est en train de retourner ses lobbys contre lui.

Et pourtant, le Luxembourg continue à percevoir les créatifs comme des nantis. Alors que même le dernier des arriérés devrait avoir compris que l’artiste-type grand-ducal – le professeur de lycée avec une vocation pendant les vacances – est en voie de disparition et qu’il existe à côté une nouvelle génération de professionnels qui travaillent dans le secteur à plein temps. Et cela non seulement comme artistes statutaires ou pas, mais aussi dans la communication ou dans la bureaucratie.

Un exemple poignant de ce désaveu est l’Agence luxembourgeoise d’action culturelle (Alac) qui a appris que 42 pour cent de son budget, alloué par le ministère de la Culture, allait être sucré via… le profil Facebook de Xavier Bettel – le ministère de la Culture n’a pas encore daigné répondre. Mais que l’agence se console, elle n’est pas la seule pour qui l’administration Nagel est aux abonnés absents. Car aux cruautés budgétaires s’ajoute l’insécurité pour celles et ceux dont la convention a été résiliée. Au-delà du problème de planification, cette résiliation de masse pose des problèmes de droit du travail : en théorie, toutes les personnes travaillant pour des asbl conventionnées auraient dû être licenciées. Que cela n’ait pas encore eu lieu tient du fait que mêmes les chefs d’établissements conventionnés sont souvent encore plongés dans le noir – comme on nous l’a confié. En d’autres mots, si la ministre ne tient pas sa promesse de répondre à toutes les asbl conventionnées avant la fin de l’année, on est dans une pagaille incroyable.

On pourrait énumérer encore beaucoup d’autres diktats budgétaires qui font mal – la fusion envisagée entre Mudam et Casino, le budget d’acquisition de ce dernier, la bonne idée de ne pas donner assez d’argent au Carré Rotondes pour jouir de ses nouveaux locaux – mais cette liste serait trop longue et elle ne se cantonnerait pas à un seul secteur, car que ce soit culture, coopération ou presse, le gouvernement est en train de retourner ses lobbys contre lui.

Et s’il continue de se plaire dans le rôle du « réformateur incompris » – comme l’ont laissé prévoir les réactions des ministres Bettel et Schneider à leurs sondages en chute libre lors du briefing -, il risque très vite de se retrouver dans les mêmes draps que son infortuné collègue et capitaine de pédalo français.


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