LETTRE OUVERTE AU PREMIER MINISTRE: Maltraitance institutionnelle

Suite au récent refoulement de mineurs le président de la Commission consultative des droits de l’Homme s’est adressé à Xavier Bettel.

(…) Depuis des décennies déjà, il apparaît que l’exécution de mesures judiciaires prises dans le cadre de la loi sur la protection de la jeunesse se fait, dans un grand nombre de cas, par les forces de l’ordre. D’après les informations dont nous disposons, cela concerne en moyenne 50 à 70 cas par année. (…)

Une fois que le juge des enfants a pris une mesure de placement, le plus souvent provisoire, la police est chargée de veiller à ce que l’enfant ou l’adolescent soit conduit dans un centre d’accueil. Dans ces cas, les parents ne sont pas informés de la mesure. La police se rend au domicile des parents, leur communique le jugement et emmène l’enfant au centre d’accueil. Si la mesure est exécutée quand les parents ne sont pas chez eux, la police se rend à l’école, dans les crèches, les foyers de jour et sans en avoir au préalable informé les parents. Il arrive que les parents n’apprennent la mesure qu’après avoir contacté la police, les éducateurs ou enseignants, alors que leur enfant n’est pas rentré à son domicile. A quelques rares exceptions près, il s’agit de situations qui ne requièrent pas une intervention urgente, elles ne représentent pas une dangerosité qui rendrait nécessaire l’intervention des forces de l’ordre.

Même si la police exécute cette mesure avec beaucoup de tact, cette procédure est lourde de conséquences pour les enfants et mineurs qui sont traumatisés par cette façon de faire : alors même que l’objectif de la loi sur la protection de la jeunesse est de protéger un mineur, son exécution s’inscrit dans une logique de maltraitance institutionnelle. Mais plus encore : cette mesure se fait à la connaissance d’autres jeunes qui eux aussi ne comprennent pas le pourquoi d’une intervention de la police à l’égard de l’un de leurs amis de classe. Ce que nous ont rapporté les enseignants et les éducateurs fait penser que les conséquences touchent non pas seulement l’enfant concerné, mais tous ceux et celles qui, de quelque façon que ce soit, ont assisté à cette situation. Tout cela prend encore plus d’ampleur lorsque les forces de l’ordre interviennent, comme cela est déjà arrivé, en uniforme et en voiture de police. 

Les parents, quant à eux, qui ne sont pas informés vivent cette situation comme une humiliation : alors même qu’il se peut qu’il leur soit reproché de ne pas avoir les compétences nécessaires ou de ne pas avoir assumé leur responsabilité à l’égard de leurs enfants, ils sont traités de façon indigne. Il est courant que ce ne soit que des mois après le placement que les parents auront l’occasion de s’expliquer devant le juge. Comment voulez-vous que ces parents puissent collaborer et garder tant soit peu confiance dans les institutions et l’Etat ? 

Des lieux inviolables

Nous avons à faire ici, Monsieur le Premier ministre, à une forme caractérisée de maltraitance institutionnelle où c’est l’Etat qui, à travers ses lois, ses procédures et un usage inadéquat, voire disproportionné, de son autorité devient l’auteur de graves traumatismes auprès de mineurs et fragilise encore plus le lien entre parents et enfants. Cela doit cesser à court terme, car j’estime qu’il n’est plus possible, maintenant que cela se sait publiquement, de faire comme si de rien n’était.  (…)

Dans la toute grande majorité des cas, rien ne justifie cette procédure qui ne fait que rajouter de la misère à la misère, qui rend le séjour des enfants en institution fort problématique et qui ne permet souvent pas de mettre en place une collaboration avec les parents. 

En outre, je souhaiterais que dorénavant les écoles, les foyers de jour, les crèches, qui sont les lieux de vie des enfants et adolescents, où ils apprennent la vie en collectivité, le partage, soient considérés comme des lieux inviolables où la police n’interviendra pas pour exécuter ce genre de mesures. Cela vaut pour l’entourage de l’école, le chemin que prend le mineur pour rentrer chez soi, mais aussi pour les services de consultation, les maisons de jeunes, les hôpitaux, les clubs sportifs ou autre lieux de loisirs des jeunes. 

En troisième lieu, je souhaiterais qu’une loi, un règlement précis cadre l’intervention de la police. 

Ceci vaut tout naturellement aussi dans les cas d’enfants et d’adolescents dont les familles ont été déboutées et qui font l’objet d’une mesure de refoulement. 


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