La Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) vient de publier son rapport sur « La crise sanitaire et ses conséquences : quels impacts sur les droits humains ? ». Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la pandémie ne frappe pas que la santé corporelle.
À qui sert une CCDH quand elle n’est pas écoutée ? Sur le ton mélangeant flegme joyeux et pessimisme de circonstance qu’on lui connaît, Gilbert Pregno, le président de la CCDH, a tiré le bilan : « J’ai relu cette nuit tous les avis que nous avons publiés depuis la crise de la Covid-19. J’ai compté en tout 170 pages envoyées au gouvernement et trois recommandations retenues. Et encore, certaines d’entre elles étaient soutenues par d’autres associations, donc la pression ne venait pas que de nous. »
Désillusionné, Pregno l’est aussi du fameux groupe ad hoc créé par le gouvernement en début de crise pour lui porter conseil. « Au cours de ma carrière, j’ai acquis une longue expérience des personnes résistantes aux conseils et aux recommandations », commente-t-il. « Donc, ça ne me touche plus personnellement, ce qui n’empêche pas que je le trouve bien dommage. »
Dans le rapport de 44 pages, la CCDH fait le tour de ses avis passés, dans l’idée d’englober toute la population, et avant tout ses membres les plus précaires et les plus vulnérables. Commençant par l’accès à l’information et les médias en général, où la commission se fait l’écho des critiques issues du Conseil de presse et de l’association des journalistes, tout comme elle met en avant le fait que des pans entiers de la population ne peuvent pas accéder aux informations officielles faute de traductions. De plus, les statistiques sont dans le viseur de la CCDH – surtout la décision « d’exclure les travailleurs frontaliers des statistiques officielles [qui] est non justifiée et constitue un manque flagrant de transparence en matière d’information. »
Les marges de la société peu considérées
L’enseignement et les inégalités sociales qui rendent difficile l’accès au cours – Pregno a évoqué des jeunes qui squattent les gares pour se raccrocher au wifi inexistant dans leurs foyers – sont également évoqués. La CCDH revendique la création d’un service central permettant d’identifier les élèves en difficulté de connexion. Cette revendication est aussi étendue aux enfants des demandeurs et bénéficiaires de protection internationale. Finalement, la CCDH demande que le ministère de l’Éducation assure que tout élève « puisse profiter d’une éducation de qualité, indépendamment de l’établissement qu’il ou elle fréquente, de son enseignant ou des disponibilités de ses parents ».
D’autres groupes dans le viseur de la CCDH (et non pas traités prioritairement par le gouvernement) incluent les personnes vivant dans des institutions ou des foyers, voire en prison, les sans-abri et celles et ceux qui sont forcé-e-s de travailler au noir et ne bénéficient donc d’aucune protection, voire qui rechignent à profiter des offres mises en place de peur d’être expulsé-e-s ou de perdre leur travail.
Pour celles et ceux qui en ont, du travail, la commission a rédigé onze recommandations allant du caractère non discriminatoire des aides au devoir de diligence des entreprises.
Concernant la violence domestique, la CCDH salue la mise en place d’un numéro vert, mais préconise que celui-ci fonctionne 24/7. Elle suggère aussi de penser à renflouer les caisses des services d’assistance et d’enfin procéder à la collecte de données et l’élaboration de statistiques afin de mieux combattre ce phénomène.
Bref, c’est un long rapport, qui reprend dans les grandes lignes les critiques récurrentes de la CCDH concernant la politique gouvernementale. S’il se veut explicitement non exhaustif, il a du moins le mérite de mettre en lumière celles et ceux qui – pandémie ou non – vivent au pays du « Let’s Make It Happen » sans que grand-chose se passe pour elles et eux.