Les projets du gouvernement hérissent les syndicats et aiguisent leur rivalité, alors que les élections sociales se tiendront le 12 mars. Pour le LCGB, Patrick Dury hausse le ton sur une réforme des pensions, dont il fait un casus belli. À l’OGBL, Nora Back répète que son syndicat est « le premier opposant politique » au gouvernement, le seul à même de contrecarrer un « projet libéral » dont elle n’attend rien de bon.
Mais quelle mouche a piqué Patrick Dury ? En novembre, le président du LCGB était des plus conciliants avec les vainqueurs des législatives, estimant « qu’avec ce gouvernement, nous pouvons obtenir des résultats dans l’intérêt des gens qui travaillent » (woxx 1763). Changement catégorique de ton, ce 10 janvier, quand le patron du syndicat chrétien accuse « d’amateurisme complet » la ministre de la Sécurité sociale, Martine Deprez, dont il qualifie l’approche sur les pensions de « populiste et démagogique ». Pour Patrick Dury, attaquer le principe du financement « par la solidarité intergénérationnelle » est une ligne rouge. Étendre la retraite par capitalisation avec des assurances complémentaires privées est le ferment d’un « apartheid social », dit-il. « Ce serait la fin du modèle tripartite et de la paix sociale », menace-t-il lors de la réception de Nouvel An du LCGB au Casino 2000, à Mondorf-les-Bains. Il juge qu’avec des réserves de 24,5 milliards d’euros, le système de pension n’est en rien menacé, mais appelle à le renforcer, au moyen d’une hausse des cotisations par exemple.
Pour s’opposer aux plans du gouvernement, Patrick Dury a une solution toute trouvée : voter LCGB lors des élections sociales du 12 mars prochain. Plus de 600.000 salarié-es seront alors appelé-es à renouveler les délégations du personnel dans les entreprises employant au moins 15 personnes et à désigner leurs représentant-es à la Chambre des salariés (CSL). Ce qui en fait le scrutin le plus démocratique du pays, les plus de 220.000 frontalières et frontaliers ayant le droit de vote (non obligatoire aux élections sociales). Neuf syndicats sont engagés dans la course, les deux principaux étant le LCGB (liste 1) et l’OGBL (liste 2). En 2019, l’OGBL avait remporté 23 % des délégations, contre 13 % au LCGB. L’OGBL dispose aussi de la majorité absolue à la CSL, avec 35 sièges sur 60, contre 18 pour son rival.
Faisant sien le proverbe selon lequel « rien ne sert de courir, il faut partir à point », le syndicat chrétien avait présenté son programme dès le 3 juin. La réception de Nouvel An relance la machine, avec un Patrick Dury au ton assurément offensif qui sied à ce type d’exercice. Il répète l’engagement du LCGB en faveur du pouvoir d’achat, jugeant qu’il a sauvé le principe de l’index, ce que revendique aussi l’OGBL. Il fait aussi valoir que son syndicat peut se montrer radical dans la défense des salarié-es, citant la grève de trois jours, en septembre, chez Cargolux, où le LCGB est majoritaire. Une façon de dire que l’OGBL n’a pas le monopole de ce type d’action, après la grève longue et finalement réussie à l’usine Ampacet, à Dudelange, en décembre.
Un bilan, un clip et du rap
Sur la retraite, la critique de l’OGBL rejoint celle du LCGB. « Les pensions ne sont pas une aide sociale, c’est le fruit d’une vie de travail. Les pensionnés doivent vivre décemment de leur rente », a martelé Nora Back, la présidente de l’OGBL, ce mardi 16 janvier, alors que le syndicat de gauche lançait sa propre campagne en vue des élections sociales.
Afin de marquer le coup, l’OGBL a convié presse et délégué-es du personnel – dont quelque 200 étaient présent-es – dans son fief de la Maison du peuple, à Esch-sur-Alzette. La présentation mêle donc informations aux médias et galvanisation des troupes. Accueillie avec force gadgets siglés OGBL (stylos, décapsuleurs, autocollants, pins, etc.), l’audience a aussi visionné un clip promotionnel du syndicat et entendu un morceau de rap, très old school, écrit et composé pour l’occasion.
Dans son adresse, Nora Back pose l’OGBL en seul obstacle crédible au démantèlement des acquis sociaux et des politiques d’austérité qui se profilent à l’horizon, selon elle. Mais puisqu’il s’agit aussi de mobiliser les troupes, elle égrène les succès du syndicat pour illustrer sa position de force, comme la négociation de 232 conventions collectives ces cinq dernières années. Pour convaincre que les vents lui sont favorables, elle affirme encore que le syndicat a recruté plus 8.400 nouveaux membres en 2023 et qu’il présentera quelque 600 candidat-es de plus aux élections sociales, par comparaison à 2019.
Éclipsée par les communales et surtout les législatives, la campagne pour les élections sociales est désormais lancée. Avec au moins un message commun à tous les adversaires : allez voter !