Luc Frieden promet une ère de transparence sur la marche des affaires du pays. Il l’a annoncé ce 13 décembre lors d’un briefing qui a suivi le Conseil de gouvernement. L’exercice avait été largement délaissé par son prédécesseur. Reste à voir si le nouveau premier ministre l’inscrira dans la durée, alors que les sujets qui fâchent ne manqueront pas.
La semaine prochaine, Luc Frieden sera opéré du nez ! Une intervention chirurgicale bénigne et ambulatoire qui ne l’empêchera – bien sûr – pas de travailler, mais limitera ses contacts avec l’extérieur et notamment avec la presse. C’est ainsi que le premier ministre a conclu, le mercredi 13 décembre, son premier briefing après un Conseil de gouvernement, le quatrième tenu par la coalition CSV-DP depuis son entrée en fonction. Et des briefings, Luc Frieden en a promis d’autres, beaucoup d’autres. « Nous voulons une bonne communication avec la presse, car elle joue un rôle important dans la société », a-t-il dit à la petite douzaine de journalistes présents au ministère d’État.
Il a profité de l’occasion pour mettre les points sur les i et précisé que c’est bien lui qui, au sein du gouvernement, est chargé des médias, alors que sa ministre de la Justice, la chrétienne-sociale Elisabeth Margue, n’en est que la ministre déléguée. Autrement dit, c’est le grand chef, par ailleurs patron du Wort de 2016 à 2019, qui prendra les décisions importantes en la matière. Il sera l’interlocuteur privilégié des éditeurs et des journalistes, auxquels-lles il assure qu’il leur facilitera l’accès aux informations publiques… Une promesse en forme de serpent de mer pour la profession, qui la voit repoussée d’année en année, n’obtenant que des résultats marginaux, sinon contre-productifs.
Quoi qu’il en soit, en prenant la parole après un conseil de gouvernement, Luc Frieden renoue avec les us de son ancien mentor Jean-Claude Juncker. Il rompt ainsi avec la pratique de Xavier Bettel, qui avait presque totalement délaissé ces briefings au fil des dix dernières années. L’engagement de Luc Frieden en faveur d’échanges accrus avec les médias ne peut être que le bienvenu, à condition qu’il s’inscrive dans la durée de son mandat. Un tel exercice n’a par ailleurs pas pour but de dire toute la vérité, mais de draper le discours gouvernemental dans des artifices de communication et éléments de langage. Mais ce n’est pas propre au Luxembourg.
Si Luc Frieden a pris la parole ce 13 décembre, ce n’était pas dans le seul but de flatter la presse. Il a aussi fait des annonces et répondu aux questions des journalistes sur le ton posé et consensuel qu’il adopte depuis la campagne électorale. Seule rugosité dans son exposé, l’interdiction de la mendicité simple à Luxembourg, qui vient d’être validée par le nouveau ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, alors qu’elle avait été retoquée par le précédent gouvernement. Pour Luc Frieden, elle est justifiée car, selon lui, il s’agit notamment de lutter contre la mendicité organisée, pourtant déjà interdite. « Certains viennent le matin et repartent le soir en camionnette pour passer la frontière », a-t-il avancé, alors que l’opposition de gauche dénonce déjà une chasse aux pauvres.
Un répit jusqu’aux élections européennes
Autre point abordé et qui ne figurait dans aucun programme électoral, la réforme du financement des pensions est inscrite dans l’accord de coalition. À l’évidence, Luc Frieden joue au démineur face à un dossier potentiellement explosif. Renforcera-t-il la part des assurances complémentaires et privées à charge des entreprises et salarié-es, comme il en est suspecté ? Il refuse pour l’instant de se prononcer, renvoyant à une large consultation et évaluation entre les acteurs concernés (État, employeurs et syndicats). Évaluation encore pour deux mesures déjà sous le feu des critiques : la suppression des subventions supplémentaires, pour l’installation de panneaux solaires et le remplacement des chauffages vieillissants, d’une part, et pour l’achat d’un véhicule électrique, d’autre part. Adoptées lors de la tripartite d’avril dernier, ces mesures, qui s’ajoutaient à celles déjà existantes, arrivent à échéance au 31 décembre. Elles seront finalement prolongées jusqu’à la fin juillet, le temps d’en juger la pertinence pour ensuite les adapter éventuellement en fonction de critères sociaux.
En somme, la coalition CSV-DP ne rentrera pas dans le dur avant le milieu de l’année prochaine. Soit après les élections européennes de juin, seule échéance électorale à laquelle elle sera confrontée au cours de son mandat. Après, elle pourra dérouler son programme et les sujets qui fâchent jusqu’en 2028, sans craindre la sanction des urnes. À voir si Luc Frieden sera alors toujours aussi loquace.