Dans notre édito de vendredi dernier, nous évoquions la lettre envoyée par le président de la Cour supérieure de justice et la procureure générale d’État au président de la Chambre des député-e-s. Par souci de transparence, nous en publions le contenu ici, pour que les lectrices et lecteurs du woxx puissent se faire une idée.

Photo : Flickr/Michael Corghlan
Monsieur le Président,
Nous prenons la liberté de vous soumettre quelques réflexions à la suite du grand nombre de questions parlementaires relatives au traitement des données par la Justice qui ont été posées ces derniers mois par plusieurs députés.
Vous savez que nous avons toujours fourni, en toute transparence, tous les éléments de réponse qui nous paraissaient pertinents. En effet, nous avons tenu à faire preuve de notre entière coopération, afin de maintenir l’harmonie entre le pouvoir judiciaire et les pouvoirs législatif et exécutif, fondement de notre État de droit.
Les questions parlementaires posées par les députés doivent permettre à la Chambre des députés d’exercer son contrôle sur le gouvernement, mais, évidemment, non pas sur le pouvoir judiciaire.
Il résulte de l’article 82 du Règlement interne de votre Chambre des députés que la recevabilité de ces questions est fonction de l’intérêt général, de l’importance ou de l’actualité de leur objet.
Nous constatons qu’au fil des dernières questions parlementaires, la Justice a été amenée à devoir se justifier par rapport à son fonctionnement interne, ce qui, à l’évidence, est inadmissible au regard du principe de la séparation des pouvoirs, principe qu’il nous tient tous à cœur de préserver.
Ainsi, dans la dernière question parlementaire No 1065, du 14 août 2019, les auteurs, qui se sont limités à se référer à des informations publiées par un ancien collaborateur de la justice sur le réseau social Facebook, repris sur le site Internet d’un avocat de la place, ont carrément mis en doute l’intégrité et la sincérité du procureur général d’État.
Nous estimons que les limites de l’admissible viennent d’être atteintes et nous nous inquiétons sérieusement que l’harmonie qui existe actuellement entre nos deux pouvoirs soit mise en cause.
Il vous appartient, en votre qualité de Président de la Chambre des députés, de juger de la recevabilité des questions parlementaires.
Il nous appartient, en tant que chefs de corps de la Justice, de veiller à ce qu’aucun autre pouvoir ne s’immisce dans le nôtre.
Il nous paraissait indispensable de rappeler ces quelques principes tenant à l’indépendance de la Justice sans que notre collaboration ne soit remise en cause.
Nous vous prions d’agréer. Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
Le président de la Cour Supérieure de Justice
Jean-Claude Wiwinius
Le Procureur Général d’État
Martine Solovieff