En se pliant aux exigences du CSV, le gouvernement a admis sans le dire que l’échec au référendum lui fait toujours mal. Le résultat est un compromis passable, obtenu sur le dos des 46 pour cent d’étrangers.
Déjà que l’avant-projet de loi proposé par Félix Braz en octobre dernier n’avait pas fait que des heureux (woxx 1341), voilà donc que le gouvernement a encore reculé de ses positions pour mieux faire passer la pilule, et surtout pour éviter une nouvelle pandémie de polémiques autour de la nationalité. En ce sens, la coalition tire les conséquences du référendum désastreux de 2015, qui est toujours à considérer comme un désaveu de la politique d’ouverture qu’elle voulait mettre en place, autant que le résultat d’une campagne mal menée et d’une réaction épidermique d’une grande frange de la population, déjà rendue méfiante par certaines mesures économiques – notamment le fameux « Zukunftspak ».
Voilà donc que Félix Braz, dont l’avant-projet de loi était déjà largement aligné sur deux propositions de loi du CSV – celle de François Biltgen de 2013, et celle de Claude Wiseler, déposée début 2015 -, vient de faire encore un pas vers le plus grand parti de l’opposition. Du moins selon les médias qui en ont parlé et dont les déclarations sont parfois contradictoires. Ainsi, il n’est pas clair si le ministre de la Justice prévoit effectivement de rétropédaler sur l’idée d’octroyer la nationalité à l’époux-se d’un-e Luxembourgeois-e après huit ans de mariage, sans test de langue. La même chose vaut aussi pour le droit du sol, où la proposition un peu plus restrictive du CSV serait retenue.
Quant aux tests de langue – le cœur de toutes les polémiques -, ils ne devraient pas se simplifier autant que dans l’avant-projet de loi Braz, même si les détails restent là aussi peu clairs avant que le ministre ne présente le projet au conseil de gouvernement ce vendredi.
Contradictions et retenue
Une raison aussi pour la société civile d’attendre avant de se prononcer sur le nouveau compromis. Ainsi, Sérgio Ferreira, le porte-parole de l’Asti, qui en octobre dernier avait encore mis en garde le gouvernement contre le fait de trop mettre d’eau dans son vin, au risque de perdre le soutien de l’association, a déclaré : « Pour l’instant, il n’y a rien qui puisse mériter notre commentaire. Notamment la question des langues nous semble peu claire et ce qu’on a pu lire et entendre ces derniers jours ne nous a pas été d’une grande aide », explique-t-il. « Nous allons donc attendre de voir le texte avant de le commenter ».
Une précaution que les adversaires d’une ouverture sur la nationalité semblent prendre aussi. En tout cas, tant sur les pages de l’initiative « Nee 2015 » que sur celles de l’ADR et les sites Facebook de ses députés, on observe un silence radio sur ce qui est annoncé. Les seuls à se lâcher sont, comme d’habitude, les commentateurs sur le site de RTL : certains entrevoient sans grande surprise une manœuvre gouvernementale pour introduire le droit de vote des étrangers par la petite porte.
Quoi qu’il en soit et même dans le meilleur des cas possibles – une large entente politique cautionnée par la société civile -, il demeure dommage que la réforme d’une loi aussi cruciale pour le Luxembourg soit sujette à des marchandages politico-politiciens. Car un pays développé avec un taux d’étrangers aussi élevé que le grand-duché reste une exception planétaire. Une loi exceptionnellement adaptée et ouverte aux besoins du pays serait donc la solution logique et souveraine. On ne peut donc qu’être curieux et méfiant en ce qui concerne la suite.