OGBL : Changement de génération

Non élu à la Chambre des salarié-e-s, André Roeltgen annonce son retrait de la présidence de l’OGBL.

20 ans séparent Nora Back, la future présidente de l’OGBL, d’André Roeltgen, qui va s’investir complètement dans la préparation du congrès de décembre. L’actuelle secrétaire générale dit vouloir « assumer ses responsabilités », alors que ce changement à la tête du principal syndicat national vient bien plus tôt que prévu. (Photos : woxx)

Avant d’annoncer à la conférence de presse de mardi dernier son intention de céder la présidence de l’OGBL lors d’un congrès prévu pour décembre, André Roeltgen a expliqué en long et en large pourquoi, d’après lui, son résultat personnel décevant pour les élections de la Chambre des salarié-e-s (CSL), mais aussi le résultat global tant au niveau de la CSL que des délégations du personnel dans les entreprises, ne devraient justement pas inciter le plus grand syndicat luxembourgeois à opérer un tel changement à sa tête.

Autour de 92,5 pour cent des votes en faveur de l’OGBL proviennent de suffrages de liste : moins d’un électeur ou d’une électrice sur dix qui a préféré l’OGBL lors de l’élection de la CSL a procédé à des votes préférentiels pour des candidat-e-s individuel-le-s inscrit-e-s sur la liste. Sans vouloir minimiser le succès personnel de Nora Back, Roeltgen a constaté que seules quelque 1.200 voix le séparent ainsi de la première élue dans le fameux groupe 5, « salariés appartenant au secteur des services ainsi qu’aux autres branches non spécialement dénommées », et que même le dernier suppléant de l’OGBL engrange plus de voix que le premier élu du LCGB.

« Qui sont donc ceux et celles qui décident de la façon dont l’OGBL devrait s’organiser pour mener sa bataille en tant que syndicat ? », s’est demandé Roeltgen, alors que le panachage entre listes, si particulier à un système de vote copié sur le modèle des élections législatives luxembourgeoises, donne plus de poids aux électrices et électeurs moins en phase avec le syndicat qu’à ceux et celles qui l’appuient à 100 pour cent.

Un scrutin copié sur 
les législatives

Autre éceuil à son élection que André Roeltgen n’a fait qu’effleurer : en tant qu’employés, les permanent-e-s syndicalistes sont automatiquement classé-e-s dans le groupe 5, un véritable « fourre-tout », tellement large qu’il représente à lui seul 14 des 60 sièges de la CSL.

André Roeltgen, qui a été employé et délégué syndical à l’APEMH (Association des parents d’enfants mentalement handicapés) avant de devenir en 1990 secrétaire central de l’OGBL pour le syndicat santé, services sociaux et éducatifs, aurait peut-être mieux fait de figurer dans le groupe 7 des « salariés appartenant au secteur de la santé et de l’action sociale », un secteur où l’OGBL, avec 78 pour cent des voix, est largement majoritaire et en augmentation par rapport à 2013.

Mais comme ce handicap joue également pour ses collègues, voire son concurrent direct, Patrick Dury, président du LCGB, il est indéniable que la non-élection de Roeltgen à la CSL – il n’est que le deuxième suppléant de sa liste – est plus qu’une erreur cosmétique.

Son prédécesseur, Jean-Claude Reding, avait pris la présidence de la CSL dès sa création en 2008 et a su mettre à profit cette double casquette de président du plus grand syndicat et de la CSL pour devenir un acteur incontournable du dialogue social. Avant la fusion des chambres des ouvriers-ères et des employé-e-s privé-e-s, au moment où le statut unique des salarié-e-s luxembourgeois-e-s a pris effet, Reding était déjà – depuis 1998 – président de la Chambre des employé-e-s privé-e-s. Lorsqu’il a succédé à John Castegnaro à la tête de l’OGBL en 2004, il y était donc déjà bien installé.

Scénario un peu différent pour la passation de pouvoirs entre Reding et Roeltgen : élu président de la CSL en 2013, Reding est resté à ce poste et d’ailleurs a su profiter d’une certaine liberté, en étant dégagé des activités quotidiennes de syndicaliste. Il a ainsi pu mener à terme certains projets, comme la réalisation du nouveau bâtiment de la CSL, avec son centre de formation qui jouxte le mythique Casino syndical à Luxembourg-Bonnevoie. Il était prévu que Roeltgen ne lui succède à la tête de la CSL qu’après la fin du mandat que Reding avait entamé en 2013, donc après les élections qui viennent de se terminer.

Élu avec « seulement » 81 pour cent des voix comme président de l’OGBL au congrès de 2014, André Roeltgen se disait à l’époque satisfait du résultat, sachant qu’il était « controversé » au sein même de son syndicat, notamment pour son tempérament qui le mène parfois à des attitudes conflictuelles. Cette étiquette de syndicaliste bagarreur un peu « old school » ne lui a finalement pas servi pour finir son parcours syndical tel qu’il avait esquissé : briguer un deuxième mandat de président de l’OGBL au congrès de 2019 – il sera âgé alors de tout juste 60 ans – pour laisser ensuite la place en cours de mandat à sa successeure Nora Back, – nommée au poste de secrétaire générale du syndicat en 2018 pour entamer sa préparation à la succession du président (comme ce fut déjà le cas pour Jean-Claude Reding et André Roeltgen lui-même).

L’unité syndicale ne sera pas pour demain

Mais les choses vont un peu vite en ces temps de grands changements : si Reding a été le second de Castagnaro pendant vingt ans, et Roeltgen celui de Reding pendant dix ans, Nora Back n’aura même pas passé deux années comme secrétaire générale à l’OGBL, lorsque le congrès – comme prévu – la promouvra présidente en décembre. Et elle sera prochainement présidente de la CSL, l’OGBL ayant gardé, avec 35 mandats sur 60, la majorité absolue, même si le LCGB a su lui en ravir trois. Un véritable changement de génération : Nora Back est née en 1979, 20 ans après André Roeltgen.

L’« autre syndicat », comme il est parfois nommé dans les analyses que l’OGBL a publiées en interne sur les résultats des élections sociales, s’est plutôt bien tiré d’affaire (voir aussi woxx 1521). Et c’est peut-être là l’échec le plus cuisant de ce qui sera dorénavant nommé l’« ère Roeltgen » : la lente mais « irrémédiable » descente du LCGB en dessous des 25 pour cent de voix au niveau national ne s’est pas poursuivie. Si en 2013 le LCGB avait atteint, avec 15 mandats à la CSL, un seuil en dessous duquel il aurait risqué de perdre sa représentativité nationale – donc sa capacité de négocier des contrats collectifs dans n’importe quel secteur –, il a su sortir la tête de l’eau avec maintenant 18 sièges.

Pour l’encore président de l’OGBL, il est évident que la division syndicale affaiblit les positions du salariat. Mais alors, comment le regain du LCGB s’explique-t-il ?

Les sièges que reprend le LCGB à la CSL viennent de secteurs « ouvriers » classiques, comme les « autres industries » et la construction. Même si dans le secteur de la sidérurgie, la répartition des sièges entre l’OGBL et l’« autre syndicat » ne change pas, il faut quand même observer un transfert massif de voix vers le LCGB : l’OGBL perd ainsi 9,56 pour cent des voix, pour arriver à 51,82 pour cent, et se voit talonné dorénavant par le LCGB, qui obtient 48,18 pour cent.

Mais peut-on vraiment parler de transferts de voix ? Un phénomène étrange s’est en effet produit dans le groupe 1 des « salariés appartenant au secteur de la sidérurgie
 » : la participation – traditionnellement déjà forte – est passée de 55 pour cent en 2013 à 76,48 cette année. D’aucun-e-s y voient l’indice d’une forte mobilisation du côté patronal, incitant même les hauts gradés à participer à une élection qui leur a toujours paru étrange.

Au niveau des élections par entreprise, l’OGBL a d’ailleurs perdu la majorité de l’administration centrale d’ArcelorMittal. Mais, comme on peut lire dans une analyse dressée par le syndicat de la sidérurgie pour le comité central, cet échec repose aussi sur des dysfonctionnements à l’intérieur de l’OGBL lui-même : « Finalement, la plus grande erreur est celle de ne pas avoir réagi plus rapidement à la défaillance totale, à l’incapacité complète d’action et à la fourberie malsaine du président de la délégation centrale, ce qui nous a, in fine, coûté la majorité à l’administration. »

À une question du woxx sur les raisons qui pourraient expliquer le succès relatif du LCGB dans des secteurs ouvriers classiques, André Roeltgen n’a pas vraiment de réponse : « Il y a des raisons structurelles, oui et non. » Le bilan global pour l’OGBL reste réconfortant, et le président laisse à sa successeure une organisation bien en marche. Mais une parade à la division syndicale, qui absorbe tellement d’énergies, ne semble toujours pas en vue.


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