Poésie : Trois questions à Rim Battal

Récemment récompensée par le prix CoPo pour son recueil « L’eau du bain », elle compte parmi les voix actuellement les plus en vue de la scène poétique française. Rencontre express avec Rim Battal, à l’occasion de sa venue au grand-duché pour le festival du Printemps des poètes – Luxembourg.

La poésie de Rim Battal met à mal les stéréotypes de genre, sur les femmes en particulier. (Photo : Dorothée Sarah)

woxx : « Entre les plis de son élégance se dessine une sainteté de playmate ». Ce poème d’un unique vers, dans ton recueil « Transport commun », résume bien le fond et la forme de ta poésie, où tu entends proposer « un nouveau modèle de femme, d’amour et de corps politique ». Peux-tu détailler ta démarche et le moteur de ton travail poétique ?


Rim Battal : La vie, le désir de la vie, le désir se trouvent dans les fondements de mon écriture. Quand on désire vivre, on désire une bonne vie. Et une bonne vie, c’est une vie dans laquelle on réussit à défaire quelques nœuds, une vie qu’on comprend. C’est ce que j’essaye de faire, avec la poésie pour outil : dénouer et comprendre, avant d’accepter ou au contraire refuser, lutter contre, combattre. Un des nœuds les plus significatifs pour moi, un de ceux que je reçois de plein fouet parce qu’assignée femme, ce sont toutes les injonctions, le cahier des charges extrêmement restrictif et emprisonnant que l’on reçoit à sa naissance en fonction de son genre ; en découle l’obligation d’être ceci ou cela, vierge ou putain, de ne plus bouger, de garder sa place et d’évoluer en fonction de l’étiquette qu’on nous aura collée. Dans ma poésie, j’essaye d’associer les figures de la mère et de la putain dans un même corps – parce que dissociées à tort. J’essaye de les réunir dans un même lieu, dans une même parole à la fois bienveillante et tranchante, souple et ferme, qui donne envie. Cela se manifeste parfois par des photographies, que j’expose ici ou là, dans des galeries ou musées, ou par des poèmes que je publie ou que je performe dans un même élan de vie.

Photo : Zephred75 CC BY-SA 4.0

Ta venue au Luxembourg coïncide avec la réouverture du « bordel de la poésie » à Paris, à laquelle tu ne pourras donc malheureusement pas participer. Quel est cet événement qui te tient particulièrement à cœur ?


Le bordel de la poésie de Paris est un événement de poésie festif, un cabaret, une manière de faux bordel mais avec de vraies alcôves. Le service échangé, contre menue monnaie, est d’ordre poétique et non pas sexuel. Les poètes sont habillé-e-s de manière aussi élégante que scandaleuse ; nous offrons des lectures de textes dont nous sommes les auteurs et autrices. Ces lectures se passent en tête à tête, dans un moment singulier ou le poème est directement adressé à une oreille qui est là pour le recevoir. Cela produit des situations d’écoute exceptionnelles, qui font que nous comptons parmi notre clientèle beaucoup de personnes qui reviennent à chaque date. Pour pimenter la soirée, on propose également des séances de tarot, des performances publiques, de la musique, et un dessinateur réalise les portraits des clients et clientes qui le désirent. Le bordel de la poésie est un dispositif ingénieux qui permet à des personnes non initiées de découvrir la poésie et de l’apprécier sans crainte, sans peur de ne pas comprendre le poème. J’y performe pour ma part et je le codirige aux côtés de Zoé Besmond de Senneville et de Laura Lutard. Nous reprenons du service ce samedi 25 septembre, mais je n’y serai pas, hélas ! En revanche, j’y participerai lors de nos soirées du 20 novembre et 15 janvier au Théâtre Les Déchargeurs à Paris. Les billets sont déjà en ligne.

Tu t’exprimes artistiquement aussi par la photographie. Quelles sont les différences et les complémentarités de cet art avec la poésie ?


La poésie et la photo sont deux langages différents. La photographie a la force de l’immédiateté, la fulgurance. La poésie est sur une autre temporalité. Le poème est court, on peut le lire plus vite qu’une nouvelle par exemple, mais il a besoin de temps pour infuser et libérer toutes ses propriétés : nous faire réfléchir, rêver, planer, nous causer un choc esthétique, nous surprendre ou nous consoler. Il m’arrive d’associer les deux, la poésie à la photographie. Ce que j’ai fait par exemple dans mon premier livre « Vingt poèmes et des poussières », aux éditions Lanskine (2015). Mais plus je vieillis, plus je préfère isoler les plaisirs – et les langages – pour mieux savourer et la photo et la poésie. C’est toujours en chantier, en gestation.

Rim Battal performera lors de la grande nuit 
de la poésie, ce samedi 25 septembre à 19h 
à Neimënster, ainsi que lors de la matinée 
poétique en ligne, ce dimanche 26 septembre 
à 11h sur facebook.com/prinpolux

Programme complet : printemps-poetes.lu

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