Politique : Le bruissement des vestes retournées

Que reste-t-il de progressiste dans la politique gouvernementale ? Et qu’est-ce qui la différencie encore de celle d’une coalition incluant les conservateurs ? En fait, plus grand-chose.

© SIP/Jean-Christophe Verhaegen

La pandémie a sûrement eu un impact sur notre façon de consommer des médias. Alors qu’avant la Covid-19 déjà, notre capacité de concentration avait du mal à aller au-delà d’un cycle de nouvelles, le confinement, l’insécurité permanente et le manque de transparence des décisions gouvernementales en ont certainement rajouté en termes de frénésie.

C’est pourquoi prendre du recul de temps en temps peut s’avérer bénéfique, pour se rapprocher d’une vue d’ensemble et se poser la question : où en sommes-nous en ce moment ? Et surtout, est-ce que ce gouvernement est aussi progressiste qu’il le prétend ? La réponse est non, un peu partout où l’on regarde. Prenons par exemple un détail presque passé inaperçu : la semaine dernière, le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox, a appelé la presse à une grande messe communicative – en plein imbroglio avec le syndicat de la police, avec lequel il communique par communiqués interposés. Il y a fait tout de même une concession extraordinaire, en annonçant la possibilité d’inclure l’injonction d’éloignement (le fameux « Platzverweis ») dans l’arsenal de la police. Cet instrument, qui permet aux forces de l’ordre d’éloigner des personnes dérangeantes, était sur la liste de vœux de la droite et de la droite populiste depuis des années – même si les expériences sur le terrain ne prouvent pas son efficacité. Donc, après le « Burkaverbot » juste avant les dernières élections, les Verts viennent de retourner encore une fois leur veste, de peur d’être accusés de laxisme par une droite qui manipule l’opinion par la politique de la peur permanente. Comme les lectrices et lecteurs de notre édition en ligne le savent, la soumission des Verts aux principes de l’Otan et à leur financement n’est plus à prouver.

Sur le terrain de la finance aussi, aucune différence à voir avec un gouvernement conservateur. Les réactions à OpenLux l’ont démontré : toute critique de la place financière équivaut à une attaque contre le sentiment national – comme si les troupes allemandes étaient déjà en vue du pont de Remich. Aucune politique sérieuse de sortie de la dépendance à la place financière n’est envisagée. Et la teinte verte de la « green finance » doit encore prouver qu’elle ne cache pas de cadeaux fiscaux – par le biais du rabaissement de la taxe d’abonnement des fonds dits « verts ». En même temps, aucune solution en vue pour la crise du logement, car personne n’est capable de prendre les mesures radicales qui s’imposeraient, mais qui toucheraient aux sacro-saints droits des propriétaires – qui votent aussi. S’y ajoute que pendant les bientôt huit années passées sous l’égide bleu-rouge-vert, les indices mesurant la ségrégation sociale au grand-duché n’ont fait qu’empirer. L’indice de Gini grimpe et grimpe – et on lui oppose de la communication et du marketing.

La chape de plomb sous laquelle l’État CSV a étouffé le pays pendant des décennies n’a pas disparu, elle a juste changé de couleurs.

Et ne parlons pas ici du déficit démocratique dû à l’absence de représentation parlementaire de bientôt la moitié de la population. L’outrecuidance du référendum et la raclée reçue en retour en font un thème qu’aucun politique – sauf suicidaire – ne voudra toucher avant plusieurs décennies.

Donc, sauf quelques réformes sociétales, qui de toute façon étaient dans l’air du temps, et une séparation entre Église et État (pas trop défavorable aux catholiques), la politique de la coalition reste celle d’un statu quo permanent. La chape de plomb sous laquelle l’État CSV a étouffé le pays pendant des décennies n’a pas disparu, elle a juste changé de couleurs.


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