Retraites en France : Pour une nouvelle étape de la vie

La mobilisation contre la réforme des retraites en France s’amplifie au fil des semaines. Au-delà de ses aspects purement techniques, le projet d’Emmanuel Macron oppose deux visions du monde.

Lors d’une manifestation contre la réforme des retraites, à Metz. (Photos : Fabien Grasser)

Les Français-es ne veulent pas travailler jusqu’à 65 ans, comme c’est déjà le cas dans la plupart des pays européens. La comparaison est oiseuse, mais peu importe : elle est l’un des éléments de langage servis par le gouvernement français pour justifier sa réforme des retraites. Voulue par Emmanuel Macron, elle repoussera l’âge légal de départ de 62 à 64 ans et il faudra travailler 43 ans pour prétendre à une pension pleine. Sur le papier, la France s’alignerait presque sur l’âge moyen de départ à la retraite dans l’UE, c’est-à-dire 65 ans. Ce chiffre élude cependant la réalité de l’âge effectif de départ : en France, il se situait en moyenne à 64,5 ans en 2021, c’est-à-dire deux ans et demi au-delà de l’âge légal, selon l’OCDE. Au Luxembourg, alors que l’âge de départ est fixé à 65 ans, le départ effectif se fait en moyenne à 62 ans. Le monde à l’envers en somme.

Si les chiffres sont manipulables, ils peuvent aussi être mensongers. Emmanuel Macron et son gouvernement en font la scandaleuse démonstration depuis des semaines. Ils mentent sur l’équilibre financier du régime, sur la pension minimale à 1.200 euros bruts (850 euros nets) ou encore sur les femmes qui devront finalement travailler plus longtemps que les hommes, là où la réforme était censée améliorer leur situation. La com officielle ne convainc pas grand monde et vire à la farce quand le porte-parole du gouvernement, Oliver Véran, accuse les syndicats d’aggraver le réchauffement climatique. C’est aussi ridicule que violent, tant cela témoigne de mépris.

La com officielle vire à la farce quand le porte-parole du gouvernement accuse les syndicats d’aggraver le réchauffement climatique.

Pris sur le fait, le gouvernement a reconnu certains de ses bobards, accentuant encore l’opposition à la réforme, rejetée par deux tiers des Français-es, chiffre qui grimpe à 90 % chez les personnes en activité. Ce 7 février, les syndicats ont revendiqué 3,5 millions de manifestant-es dans l’Hexagone, une mobilisation record ces dernières décennies. Face à la surdité du pouvoir, le mouvement se durcit par des blocages dans des secteurs clés de l’économie, comme l’énergie ou les ports. Le projet dresse contre lui les huit principaux syndicats du pays, qui en exigent unanimement le retrait.

Synonyme de régression sociale et de précarisation accrue pour les milieux populaires, cette réforme, typiquement de droite, est perçue comme profondément injuste. Elle nourrit une colère déjà attisée par l’inflation et le saccage du service public, alors qu’entreprises du CAC 40 et grosses fortunes amassent des richesses toujours plus mal redistribuées. Le refus de cette réforme exprime aussi une aspiration à un pays plus équitable. « Désormais, nous mettrons l’homme à l’abri du besoin. Nous ferons de la retraite non plus une antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie » : cette citation fait florès depuis des semaines dans les cortèges et sur les réseaux sociaux. Elle est d’Ambroise Croizat, le ministre communiste du Travail qui institua la sécurité sociale universelle sous le gouvernement de la Libération, formé en 1945 par le général de Gaulle. Cette « nouvelle étape de la vie » est insupportable aux yeux de l’inconditionnel avocat du capital qu’est Emmanuel Macron. Dans son monde, l’humain est réduit au simple statut de producteur-consommateur, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Pour le « président des riches », tout le reste ne serait que perte de temps. Et d’argent, bien sûr.


Cet article vous a plu ?
Nous offrons gratuitement nos articles avec leur regard résolument écologique, féministe et progressiste sur le monde. Sans pub ni offre premium ou paywall. Nous avons en effet la conviction que l’accès à l’information doit rester libre. Afin de pouvoir garantir qu’à l’avenir nos articles seront accessibles à quiconque s’y intéresse, nous avons besoin de votre soutien – à travers un abonnement ou un don : woxx.lu/support.

Hat Ihnen dieser Artikel gefallen?
Wir stellen unsere Artikel mit unserem einzigartigen, ökologischen, feministischen, gesellschaftskritischen und linkem Blick auf die Welt allen kostenlos zur Verfügung – ohne Werbung, ohne „Plus“-, „Premium“-Angebot oder eine Paywall. Denn wir sind der Meinung, dass der Zugang zu Informationen frei sein sollte. Um das auch in Zukunft gewährleisten zu können, benötigen wir Ihre Unterstützung; mit einem Abonnement oder einer Spende: woxx.lu/support.
Tagged , .Speichere in deinen Favoriten diesen permalink.

Kommentare sind geschlossen.