Santé mentale : Urgence ignorée ?

La crise de la pandémie en cache d’autres. À côté du désastre économique qui s’annonce, la santé mentale des Luxembourgeois-es encaisse des coups. Pourtant, du côté du remboursement de la psychothérapie, le gouvernement ne semble pas pressé.

© Pixabay_GDJ

Le confinement est bien plus qu’un emmerdement passager. Pour beaucoup, cette période de solitude forcée est aussi un risque de santé évident. En s’isolant du virus, certain-e-s s’exposent aux risques de détérioration de leur santé mentale. Une étude du Statec et de TNS Ilres datant de début juillet 2020, donc après la sortie du premier confinement, donne en effet des chiffres alarmants : ce sont surtout les jeunes (37 %) qui déclarent avoir vécu un déclin de leur santé mentale, une impression qui diminue lorsqu’on remonte la pyramide des âges. Autre particularité de ce relevé momentané : la répartition par nationalités. En effet, 40 % des sondé-e-s qui déclarent une baisse de leur bien-être psychologique sont de nationalité portugaise. Quant aux raisons indiquées, elles restent toujours les mêmes – les peurs sont avant tout matérielles et économiques.

Aggravation de la fracture psychothérapeutique

Et ce n’est pas le gouvernement qui nie que les besoins en matière de santé mentale ont augmenté tout au long de la crise de la Covid-19. La ministre de la Santé, Paulette Lenert, a plusieurs fois fait référence aux agendas surchargés du personnel spécialisé. Il reste que le Luxembourg fait toujours triste figure dans le concert européen du remboursement des psychothérapies. Alors que dans la plupart des pays voisins – et même hors de l’Union européenne – le remboursement d’une psychothérapie est une évidence, au grand-duché, ce sont uniquement les consultations psychiatriques qui sont prises en charge. Connaissant le coût d’une session chez un-e psychologue (qui peut être de 70 euros, voire plus pour une heure), le risque que des personnes atteintes de dépression hésitent avant de se lancer dans une consultation est grand – surtout s’ils ou elles manquent de moyens.

Alors qu’en fait ces problèmes auraient dû depuis longtemps appartenir au passé. C’est en 2015 qu’est votée la loi reconnaissant la profession de psychothérapeute au Luxembourg, une loi qui ouvre aussi la voie aux actes psychothérapeutiques à la nomenclature de la Caisse nationale de santé (CNS), et donc à leur remboursement. Pourtant, la mise en œuvre de ce mécanisme est toujours à la traîne, les négociations entre CNS et Fapsylux (l’asbl représentant les psychothérapeutes) ayant tourné au vinaigre au cours des années 2018-2019.

Pour sortir de l’impasse, le ministre de la Sécurité sociale, le socialiste Romain Schneider, a fait concocter un règlement grand-ducal par ses services, qu’il a fait passer par le Conseil d’État en novembre 2019. Celui-ci a retoqué ce texte jugé anticonstitutionnel, pour des raisons similaires à celles que la Fapsylux a toujours critiquées : il ne respecterait pas l’autonomie des psychothérapeutes, qui devraient se faire autoriser chaque étape par la CNS.

Face aux besoins accrus de support psychologique, trois député-e-s (Martine Hansen et Françoise Hetto-Gaasch pour le CSV et Sven Clement pour les Pirates), dans deux questions parlementaires distinctes, ont voulu savoir si le ministre Schneider allait faire avancer plus rapidement ce dossier, qui devient de plus en plus brûlant. Les parlementaires ont eu droit à la même réponse, laconique de surcroît : « Le règlement grand-ducal se trouve actuellement dans la procédure réglementaire normale. Les services concernés sont en train d’analyser l’avis du Conseil d’État et vont adapter le règlement selon. » Et pas un mot sur l’urgence. Comme quoi, la détresse psychologique au Luxembourg en 2021 reste toujours un sujet tabou sur lequel il ne faut surtout rien précipiter.


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