Série : Que reste-t-il de nos amours ? (3/16) : « Derrière les apparences… »

Les présentations ayant été faites après les déclarations d’amour, et parce que tout ce qui brille n’est pas or, nous poursuivons la conversation chorale sur notre cher quartier de la gare, avec des réflexions autour des clichés qui lui collent à la peau et sur la gentrification en cours. Un grand merci, les ami-e-s !

Photos : Paulo Jorge Lobo

Paula A. : « On entend souvent parler des dangers du quartier de la gare. Or, dans tous les quartiers de toutes les gares du monde, on trouve de la marginalité. Et si une bagarre ou une arrestation constituent une nouvelle et que les journaux en parlent, c’est parce que ces faits restent assez extraordinaires. C’est ce qui arrive au Luxembourg, qui a fait de la sécurité une devise nationale. Et je trouve que l’on exagère. »

Joana : « Tout est une question d’échelle. Luxembourg est une petite ville. C’est une pensée de classe et aussi une ignorance de ce qui se passe, par exemple, à Paris, à Lisbonne ou à Porto, où certaines rues dites sûres sont trois fois plus dangereuses que les rues du quartier de la gare de Luxembourg. »

La sécurité, une devise nationale

Paula F. : « On n’accepte pas les différences. Quelqu’un qui ne correspond pas aux clichés du ‘normal’ est facilement rejeté et considéré comme marginal. Ceci se remarque spécialement dans ce quartier. »

Elorri : « Avant d’habiter le quartier, j’avais quelques préjugés, car, si les prix des loyers me convenaient, les deux rues principales que je connaissais me semblaient sans âme. Quand je passais avec le bus, je ne voyais pas grand-chose et, si c’était la nuit, on apercevait juste le MacDo et une ambiance pas toujours attirante. Mais un jour, j’ai découvert la rue Michel Welter et j’ai compris que derrière les apparences il y avait de petits bijoux. Et me voici ! »

« Malheureusement, nous ne resterons pas dans le quartier »

Jelena : « Je remarque les changements surtout à la place de Strasbourg, où, depuis l’ouverture du Bloom, les fins de semaine il y a des personnes qui ne sont pas du quartier. Au Paname, aussi, le soir on voit des hommes cravatés. Nous aussi, nous sommes arrivés récemment, mais nous y habitons ! »

Màxim et Jelena : « Malheureusement, nous ne resterons pas dans le quartier. Nous devons quitter le studio où nous habitons. Nous avons cherché et cherché, mais la seule possibilité d’achat que nous avons trouvée, c’est un appartement rue Glesener, à refaire presque complètement pour le prix de… 750.000 euros ! D’ailleurs, il a déjà été vendu. Un agent immobilier nous l’a expliqué : plein d’immeubles ont été achetés par des investisseurs, qui attendent le moment de les rebâtir et de les vendre à des prix très élevés. Nous déménagerons en novembre. »

Paula C. : « Même moi, qui n’habite à Luxembourg que depuis trois ans, je remarque tous les changements : des rénovations, des réhabilitations, de nouveaux cafés, restaurants et magasins. Le quartier est en pleine mutation, et pas seulement à cause des travaux du tram. Pourvu que cela ne nuise pas à son âme et à ses caractéristiques ! »

Un problème de santé  publique

Hernani : « Les changements apportent un nouveau type de vie et de ‘faune’ au quartier. Les quartiers populaires de Luxembourg sont en train de souffrir de l’urbanisme typique des grandes villes. Luxembourg devient de plus en plus cher et aucun quartier n’est à l’abri de cette évolution. Le quartier de la gare, lui aussi, est en train de devenir cher et difficile, en particulier pour les indigent-e-s et les petit-e-s délinquant-e-s qui y habitent. Jusqu’il y a peu de temps, les pouvoirs publics ne s’intéressaient pas à ce quartier, très populaire et avec une importante population d’origine immigrée. Désormais, il est devenu à la mode et prisé, au détriment de ses habitants. Je crois que c’est inconcevable que des artères très fréquentées, comme la rue de Strasbourg, soient si exposées au trafic de stupéfiants. Plutôt qu’un problème d’insécurité, il s’agit là d’un problème de santé publique. Il faudrait des espaces pour les consommateurs, avec des horaires plus adaptés que ceux de centres comme Abrigado. »

À propos d’indigent-e-s, Frederico, dit : « Je ne me sens pas en insécurité. N’importe quelle autre ville est plus dangereuse que Luxembourg. Or, je peux comprendre que les habitant-e-s du quartier en aient marre, de ce trafic et des mendiant-e-s. »

Deux questions aux voisin-e-s 
et proches

Votre endroit préféré ?

– Les points de rencontre : le café Santos Ribeiro, chez les amis et l’épicerie de Melita.
– Les endroits préférés sont ceux où l’on se sent bien.
– Le boulevard de la Pétrusse.
– J’aime me promener dans toutes les rues du quartier.
– Le café Santos Ribeiro.
– Les maisons des amis et le café Santos Ribeiro.
– La Pétrusse.

Des vœux pour le quartier de la gare ?

– Moins de trafic et un théâtre.
– Des logements moins chers.
– Le maintien des petits commerces traditionnels.
– Un cinéma. Une meilleure communication avec le quartier de Bonnevoie. Une meilleure gestion du trafic de stupéfiants.
– Que la drogue arrête.
– Je n’y changerais rien. Éventuellement, qu’il devienne toujours plus multiculturel !
– Je ne saurais pas quoi dire : toutes les choses importantes sont bien organisées.
– Qu’il devienne plus accessible.


Le quartier de la gare raconté par ses habitant-e-s

Diversité ? Danger ? Gentrification ? Pluralité ? Tout au long de l’été (et bien au-delà), Paca Rimbau Hernández propose de parcourir l’histoire et la vie du quartier de la gare, à travers les témoignages de personnes qui l’habitent, le bâtissent et parfois le subissent. Déjà en 1999 et en 2000, notre auteure avait tiré le portrait de ce quartier fascinant avec sa série « Que reste-t-il de nos amours ? » (à retrouver dans les archives du woxx) – presque vingt ans plus tard, sa nouvelle série témoigne des mutations urbaines et sociales qui façonnent ce lieu de passage des êtres humains et de leurs histoires. Photos de Paulo Jorge Lobo.


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