Vision ECO2050 : De l’audace ?

Avenir économique, contraintes écologiques, compensations sociales – l’approche multidimensionnelle du débat d’avenir dans le cadre d’ECO2050 peine à trouver un juste équilibre.

Pascale Junker, Claude Haagen, Joëlle Welfring, Franz Fayot. Des absent-es ? Le DP a manqué à l’appel… mais certains sujets aussi. (Photo : lm)

Peut-on contenter tout le monde ? Oui, du moins sur le papier. C’est ce qu’a illustré la présentation des « dix briques » de la « vision ECO2050 », un projet du ministère de l’Économie (luxstrategie.gouvernement.lu). Dans la trentaine de diapositives projetées lundi dernier à la Maison du savoir de Belval, tout le monde peut trouver son compte : opportunités pour les entreprises et les salarié-es, transitions écologique et sociale, décarbonation et geoengineering, merveilles technologiques et sobriété… Cette présentation, sur quatre heures et avec plusieurs panels, doit donc plutôt être jugée sur les sujets repris ensuite par les intervenant-es. Pas sûr alors qu’en fin de compte tout le monde soit content.

Pourtant, la première intervention allait dans la direction d’une approche fortement intégrée. L’universitaire français Pierre Veltz, en vidéoconférence sur l’écran géant du grand auditoire, a commencé en félicitant l’équipe du projet ECO2050 d’avoir combiné les aspects économiques, géopolitiques, sociaux et environnementaux − « par le passé, ce type d’analyse prospective aurait mis au centre l’attractivité économique ». Face à la crise écologique (« existentielle ! ») et aux besoins d’investissements, Veltz a prôné un réformisme radical, mettant en œuvre les solutions existantes de manière pragmatique mais conséquente. L’économiste n’a pas appelé à la décroissance, mais bien à la sobriété, parce que « l’efficacité ne suffira pas ». Il a également souligné l’importance de gérer l’impact social de la transition écologique, avec un réaménagement socioéconomique et territorial conduisant à une sobriété « systémique » plutôt qu’individuelle.

Le réaménagement territorial est un des grands leviers d’une transition réussie du Luxembourg, comme l’illustre une étude récente du think tank Idea. Cela inclut une coopération et des investissements transfrontaliers – un sujet délaissé par le gouvernement, mais aussi par ECO2050. Par contre, les « briques » pour construire la transition grand-ducale énoncent des idées telles que « renouveler la production nationale » ou « investir dans la redondance critique » (des infrastructures nationales). On y trouve aussi l’aspiration à « concilier les transitions digitale, écologique et sociale » − un sujet qui aurait dû se trouver au centre des débats de la journée. Il n’en a rien été – les intervenant-es se sont contenté-es de donner de petits exemples idylliques de la transition « qui est déjà en cours », ou ont souligné le potentiel win-win-win des nouvelles technologies.

Ministre sans écho

Or, le terme « concilier » suggère correctement que les processus de transition comportent une dimension conflictuelle. Une des utilités des événements organisés autour du processus ECO2050, comme auparavant autour du processus Rifkin, est de pouvoir expliciter et concrétiser les conflits afin de les anticiper. En 2017, le processus Rifkin avait rapidement été noyauté par le lobby économique et réduit à un discours win-win-win technocratique. Les syndicats avaient peu participé, puis s’étaient retirés, tandis qu’une partie de la mouvance environnementaliste avait continué à participer avec enthousiasme pendant quelque temps encore. Six ans plus tard, lors de la présentation de lundi, on a dénombré quelques environnementalistes parmi le public, tandis que les syndicats semblent se désintéresser complètement du processus.

Cela explique peut-être que, lors des débats, on a largement insisté sur les opportunités pour les entreprises et sur la volonté de tourner les résultats du processus d’anticipation en « avantage économique comparatif », mais délaissé les aspects sociaux des transitions à venir. Pourtant, avant même l’intervention holistique de Pierre Veltz, le ministre de l’Économie avait plaidé pour inscrire le projet économique dans un projet de société. « Il faudra offrir une perspective en termes de bien-être aux gens, sinon le projet de verdissement et de décarbonation se heurtera à une réaction conservatrice, déjà observable ailleurs en Europe », avait mis en garde Franz Fayot. Si son intervention n’a pas suffi à intensifier le débat sur la dimension sociale, il reste que l’approche multidimensionnelle d’ECO2050 a le mérite d’exister, dans un contexte politique où la justice sociale, comme le développement durable, sont souvent traités comme un luxe.


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