Visions divergentes : fracture sociale au CSV

Les attaques frontales menées par le gouvernement contre les syndicats et le dialogue social suscitent des divisions au sein du CSV, où l’aile sociale, incarnée par Marc Spautz, se distancie du ministre du Travail.

Marc Spautz ne plaisante pas avec le dialogue social. (Photo : ChD)

Comment interpréter les attaques de Georges Mischo contre les syndicats ? S’agit-il du dérapage individuel d’un ministre du Travail parti en roue libre ? Ou agit-il selon un plan politique visant à contourner les organisations de salarié·es pour favoriser les entreprises ? Les syndicats ne se font guère d’illusions : il y a une volonté claire du gouvernement Frieden de les affaiblir.

En cause d’abord, la réforme des pensions, sur laquelle le gouvernement tente de les court-circuiter. Si ce dossier est géré par Martine Deprez, ministre de la Sécurité sociale, c’est cependant avec le ministre CSV du Travail que le bras de fer est, pour l’instant, le plus rude. En suggérant que les conventions collectives en entreprise puissent être conclues par des délégué·es neutres, Georges Mischo a provoqué la colère du LCGB et de l’OGBL, mais aussi de la CGFP, le syndicat de la fonction publique. Pour cette raison, tous trois ont claqué la porte d’une réunion tripartite du Comité permanent du travail et de l’emploi, le 8 octobre. Trois jours plus tard, le gouvernement en a remis une louche, en annonçant, par un communiqué diffusé le vendredi à 18h, son intention d’étendre le travail dominical de quatre à huit heures. Sans consulter ni en informer préalablement les syndicats, comme le veut l’usage du dialogue social luxembourgeois.

Depuis, Georges Mischo assure, avec plus ou moins de sincérité, que sa porte reste ouverte aux syndicats, sans pour autant céder sur le fond. Aux yeux des organisations de salarié·es, la méthode revient à saccager le modèle social tripartite, mis en place dans les années 1970 pour extirper, avec succès, le pays de la crise de la sidérurgie. « Nous sommes passés à autre chose, nous ne sommes plus dans le processus habituel du dialogue social », confie un leader syndical.

La rentrée sociale est chaude, les syndicats – plus unis que jamais – se disent prêts à descendre dans la rue, et cette situation provoque des remous jusqu’au sein du CSV.

La rentrée sociale est chaude, les syndicats − plus unis que jamais − se disent prêts à descendre dans la rue, et cette situation provoque des remous jusqu’au sein du CSV. Tout le monde n’y partage pas la vision néolibérale de Luc Frieden sur le dialogue social. La députée Stéphanie Weydert et son collègue Charel Weiler ont déjà fait entendre leurs voix dissonantes au sein de la commission parlementaire du Travail. C’est cependant Marc Spautz qui a mené la charge la plus virulente contre Georges Mischo. Pilier de l’aile sociale du CSV, le président de la fraction chrétienne-sociale à la Chambre s’est clairement distancié du ministre en critiquant tant la méthode que « le timing », sur 100,7, le 18 octobre. Marc Spautz dit comprendre et adhérer à la position des syndicats sur le maintien de la loi qui leur accorde la prérogative pour négocier les conventions collectives. Quant aux délégué·es neutres que le ministre veut promouvoir, l’ancien secrétaire syndical du LCGB a cruellement rappelé que « dans le temps, on les appelait les jaunes ». Pour le député du Sud, il y a un « lien direct entre le dialogue social » et la relative prospérité dont jouit aujourd’hui le pays.

S’agit-il d’une colère réelle ou, plus prosaïquement, d’une tentative d’apaiser le courroux des syndicats ? Les connaisseurs du CSV penchent plutôt pour la première hypothèse, décelant dans cet épisode une division de fond au sein du premier parti du pays. Nombre de grandes formations de la droite européenne se déchirent aujourd’hui entre tenant·es d’un conservatisme libéral traditionnel et populistes aux refrains sécuritaires et antimigrant·es. De ce point de vue, le CSV fait face à un différend plus classique. Mais l’un n’empêche pas l’autre. Outre son obsession pour la mendicité, le ministre CSV des Affaires intérieures, Léon Gloden, veut aussi légiférer sur l’encadrement des manifestations de rue. En l’état, son projet de loi aux accents répressifs soumettra leur autorisation à l’arbitraire des bourgmestres et des forces de l’ordre. Et de cela, les néolibs peuvent très bien s’en accommoder, et même le désirer quand il s’agit d’imposer leur ordre économique.


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