ROBERT LUKETIC: La bande à Mickey

« Las Vegas 21 » est un de ces films qui ne font ni chaud, ni vraiment froid dans le dos. En bref : même Hollywood ne sait pas rendre les maths sexy.

Les films inspirés d’histoires « vraies » ont tendance à rendre les critiques sceptiques. Trop souvent on a vu des faits divers mutés en drames apocalyptiques, ce qui en fin de compte aboutissait dans le ridicule. Disons-le d’emblée : ce n’est pas totalement le cas de « Las Vegas 21 », même si le film de Robert Luketic frôle souvent l’idolâtrie pure et simple.

Pour l’anecdote, on peut dire qu’il y a vraiment eu un groupe d’étudiant-e-s qui – sous l’influence de leur professeur de mathématiques – a réussi à configurer un système assez performant pour gagner des millions dans les casinos. En choisissant le blackjack, « le jeu le plus joué au monde », selon une des étudiantes de la bande, ils ne peuvent pas se tromper. Car ce qui ressemble à un jeu du hasard ne l’est pas. En effet, tout est calculable, et en rassemblant ses meilleures têtes, le professeur Mickey Rosa (joué par un Kevin Spacey désinvolte, qui sauve pas mal de séquences du film en donnant un peu de couleur au jeu assez fade de ses collègues), développe un masterplan diabolique qui permet à ses poussins de se taper des grosses suites à Las Vegas les week-ends, tout en gardant leur identité de braves scolarisé-e-s du MIT à Boston pendant la semaine.

Malheureusement, le réalisateur joue trop sur cette métaphore filée classique du brave docteur Jekyll et du méchant monsieur Hyde, à tel point que le scénario en devient fade et prévisible. Il est vrai que ce schéma peut aider à simplifier une histoire complexe, mais Luketic en fait trop. Surtout en saupoudrant le tout d’une « lovestory » inévitable entre le petit-teigneux-mais-génie-en-maths et la belle-douée-un-peu-sauvage. On a l’impression de bouffer un donut un peu trop sucré, car bien sûr le vilain petit canard ne résiste pas à la tentation de devenir un vrai « big player » et perd tout pour se racheter plus tard en se ravisant sur ses « vraies valeurs » et en punissant le « vrai méchant » qu’est son professeur. A la fin, ils vivaient ensemble et eurent beaucoup d’enfants.

C’est dommage, car en choisissant cette histoire on aurait pu en faire un film passionnant sur le « métier » de joueur. Ou tirer un beau portrait de ce milieu mythique qui existe vraiment, mais est en voie de disparition ? car, avec le temps, les casinos apprennent aussi à se défaire de leur clientèle par trop intelligente. Mais en optant pour un scénario volontairement grand public, le réalisateur a fait le mauvais pari : au lieu d’une fresque subtile dépeignant l’avidité du gain de notre société – et surtout de nos élites chéries – il a fait tomber cette belle histoire dans le moule des conventions hollywoodiennes. Mais peut-être que Luketic en prévoit une version européenne ? à l’instar de Michael Haneke qui vient de présenter le remake à l‘ américaine de son classique « Funny Games ». Alors, rendez-vous à Mondorf ?

A l`Utopolis.


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