PROTECTION DES DONNÉES: Que fait la police?

Zéro pointé pour le projet de loi entrouvrant à la police l’accès à des données personnelles. Tout en décernant cette note, la Commission des droits de l’Homme rappelle quelques principes.

Source d’inquiétude: l’accès illimité de la police à certaines banques de données.

« La plupart des violations des droits humains, et les plus importantes, sont commises par des gouvernements dans leur lutte contre le terrorisme. » Celui qui formule cette accusation n’est pas un jeune allumé, mais un monsieur respectable et respecté : Robert Altmann, ancien président d’Amnesty Luxembourg et actuel vice-président de la Commission consultative des droits de l’Homme (CCDH). A ses yeux, le gouvernement luxembourgeois fait potentiellement partie de ceux qui piétinent les droits, car sa phrase a été prononcée en introduction de la présentation de l’avis de la CCDH sur le projet de loi 5563. Ce texte, actuellement examiné par les député-e-s, autorise notamment l’accès de la police à un certain nombre de banques de données et a fait l’objet d’un avis critique de la part du Conseil d’Etat (voir woxx no 927).

L’invocation de la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité par les auteurs de la loi ne convainct qu’à moitié la CCDH. Elle rappelle l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui exige que toute ingérence dans la vie privée soit justifiée par une nécessité. Et déplore que le principe de proportionnalité soit absent des passages sur l’accès informatique direct de la police aux fichiers. Aux yeux de la CCDH, « [cela] ne correspond pas à l’exposé des motifs du projet consistant à prévoir des modalités d’accès à l’information proportionnelles par rapport à la gravité et à l’importance des infractions poursuivies ». Victor Weitzel, membre de la CCDH, qualifie de « pouvoir policier exorbitant » le fait que les agents puissent obtenir un accès illimité aux fichiers, même dans le cadre de leurs missions administratives : « Pour le dire de manière caricaturale : quand quelqu’un est impliqué dans un problème de circulation routière, il est inadmissible que les policiers consultent des données relatives à sa santé. »

Les fichiers sur la santé, tout comme le fichier des demandeurs d’asile ne devraient pas du tout être consultés. « La proportionnalité n’est jamais donnée dans ces deux domaines », juge Weitzel. En effet, une fois entre les mains de la police, des informations confidentielles risquent de circuler. La CCDH explicite dans son avis : « Dans la mesure où les données sur les demandeurs d’asile peuvent être transmises à des Etats tiers dans le cadre d’enquêtes sur la grande criminalité, le CCDH met en garde contre une violation des règles de confidentialité qui sont vitales pour que, dans le domaine de la demande d’asile, les Conventions internationales en vigueur soient respectées. »

Il est vrai que l’imbroglio de l’affaire « Bommeleeër » n’incite pas à augmenter les pouvoirs de la police. Et Weitzel d’affirmer « le primat de la justice », qui devrait garder à l’oeil les ingérences dans la sphère privée afin d’éviter une dérive orwellienne. « Lorsque la justice ne peut exercer son contrôle, il peut y avoir des dysfonctionnements », insiste-t-il.

En tant que membre de la commission, Weitzel a regretté que la plupart de ses avis n’avaient guère eu d’effet. Et rappelé, à l’adresse du gouvernement, que les avis élaborés par les membres, tous bénévoles, étaient « pluralistes et de bonne foi ». Pour autant la CCDH ne se fait pas d’illusions : « Il faut que nos avis soient vulgarisés et transmis aux acteurs politiques et civils », estime Weitzel. « Notre voix seule ne peut rien, mais si la société se mobilise, elle peut changer le cours des choses. »


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