Etre contre la centrale de Cattenom, c’est une chose. Mettre en évidence les faiblesses du parc nucléaire français en est une autre. Wise-Paris et Greenpeace s’y sont attelés.

« Les 58 réacteurs nucléaires français aussi fragiles que ceux de Fukushima ! » En présentant ses conclusions de l’étude critique des stress-tests français, Greenpeace Luxembourg ne fait pas dans la dentelle. Un communiqué de lundi dernier affirme que « les risques de ruptures de confinement et de rejets radioactifs importants sont tout aussi réels qu’au Japon ». L’ONG s’appuie sur une étude des experts de Wise-Paris, qui analyse en détail les évaluations de sûreté effectuées en France à la suite de Fukushima.
Notons que Wise a choisi une démarche de critique constructive, soulignant l’avancée en termes de transparence que constitue ce processus de réévaluation en profondeur, avec un cahier des charges exigeant – mais malheureusement pas entièrement respecté. Wise relève aussi un certain nombre d’aspects positifs, notamment l’examen de scénarios mettant en jeu des séismes et des inondations plus sévères que celles tenues pour possible jusqu’ici. Après avoir affirmé pendant des décennies qu’un accident avec fusion de coeur ne pourrait pas arriver en France, voici qu’en quelque sorte les autorités nucléaires acceptent de faire comme s’il pouvait arriver… pour mieux expliquer qu’on peut écarter ce risque.
Ainsi, selon le rapport « Sûreté nucléaire en France post-Fukushima », les ingénieurs nucléaires ont bien envisagé l’occurrence de séismes de force supérieure à celle envisagée lors de la construction des centrales. Mais ils ont tiré argument des marges de sécurité d’alors pour écarter le risque d’une catastrophe de type Fukushima, plutôt que d’analyser les conséquences d’une secousse endommageant l’enceinte, quelle qu’en soit la probabilité.
De comparables tricheries ont été effectuées dans le domaine du vieillissement des centrales. Rappelons que l’allongement de la durée d’exploitation de la centrale de Cattenom est un des dossiers chauds de la Grande-Région. Or, des fissures sont notamment apparues prématurément dans les enceintes en béton des réacteurs Cattenom 1 et 3. Mais comme on a su les boucher avec une couche de résine, les enceintes sont considérées comme solides. Or, si cette couche de résine empêche les fuites, elle ne rétablit pas la solidité mécanique de l’enceinte en cas d’explosions d’hydrogène, comme à Fukushima.
Les mesures de protection proposées par les ingénieurs nucléaires français consistent en des systèmes supplémentaires de sécurité en cas d’accident. Wise critique le manque de volonté de minimiser le potentiel de danger. Mais leurs propositions modifiant la manière d’exploiter les centrales, allant jusqu’à l’abandon du combustible MOX, ont peu de chances d’être entendues.
Enfin, la problématique des accidents d’avions et des attentats n’a guère été abordée lors des stress-tests. Rappelons que Jean-Claude Juncker avait estimé qu’il fallait fermer Cattenom si la centrale ne résistait pas à la chute d’un avion de ligne. Wise rappelle que les centrales françaises ne résisteraient même pas à la chute d’un avion de chasse. Pourtant, sans envisager un scénario « 11 septembre », même une chute accidentelle sur la piscine d’entreposage des combustibles aurait des conséquences gravissimes – les événements de Fukushima l’ont mis en évidence. Ainsi, Greenpeace a tout à fait raison de constater que le rapport de Wise devrait « appuyer les démarches du Luxembourg contre une prolongation de la durée de vie et pour la fermeture de la centrale de Cattenom ».
L’intégralité du rapport très complet mais assez technique est téléchargeable sous www.greenpeace.lu.