Les arguments du consortium religieux pour mettre en place un cours commun trahissent le mépris des croyants pour les non-croyants.

Huit communautés religieuses luxembourgeoises publient un mémorandum commun. Se seraient-elles mises d’accord pour vénérer le même dieu que ce serait une bonne nouvelle. Hélas, non, il s’agit d’empêcher l’introduction d’un cours d’éthique unique en invoquant la liberté de choix et en proposant un cours « patchwork » réunissant l’ensemble des religions.
Que l’Eglise catholique ait cherché jusqu’ici à empêcher la mise en place d’un cours unique, on peut le comprendre, sinon l’approuver. Après tout, à chaque remaniement de la grille horaire, les enseignants-apôtres des matières qui perdent une heure se lamentent, voire annoncent la fin de la civilisation. Le privilège des catholiques est de pouvoir enseigner, 60 minutes par heure de cours, la vérité de leur seul Dieu, et cela aux frais de l’Etat. Que d’autres les envient et aient cherché à obtenir la même faveur, là encore, cela se comprend.
Mais le mémorandum nous sidère : tous ces croyants, adeptes de religions qui se distinguent en de nombreux points, pourraient se satisfaire d’un même programme de cours. Rappelons que, au nom de ces croyances, on fait couler le sang en d’autres endroits de la planète – et qu’on ignore comment sera calculé le nombre de minutes consacré à tel ou tel culte. Plaisanterie à part, ce qui choque de la part des cultes impliqués, c’est que le plus important serait de ne pas mélanger leurs enfants avec ceux des mécréants, de ne pas les exposer à l’idée qu’on puisse développer une éthique sans être religieux. Une telle attitude suppose une bonne dose de fanatisme religieux.
Ennemi commun
Que les catholiques aient lancé cette initiative ne surprend pas. Aux yeux de leurs dirigeants, tous les moyens sont bons : l’archevêque n’a pas hésité à proférer la menace d’une fracture sociétale entre croyants et mécréants. Surprise ! les protestants, considérés parfois comme la partie « raisonnable » de la chrétienté, s’y mettent aussi. Quant aux musulmans, ceux qui attendaient de leur part un geste fort montrant la compatibilité de leur religion avec un Etat moderne et laïque, ils ont été déçus. La Shoura a sans doute cédé à la promesse de respectabilité que lui apporte l’alliance avec le « grand frère » catholique, épaulé sur le plan politique par le parti au grand C. Après s’être laissés berner pendant 15 ans par le CSV en matière de conventionnement, est-il vraiment fin de la part des musulmans de mettre tous leurs oeufs dans ce panier-là ?
Reste l’église néo-apostolique, qui en Allemagne conserve une image de secte. Sa présence soulève une autre question gênante pour les défenseurs de la liberté de choix : qui trace la ligne entre les religions « respectables » participant à la gestion d’un cours des religions commun d’un côté et les croyances laissées pour compte ? Les membres de celles-ci auraient la « liberté de choix » de placer leurs enfants soit dans le cours « patchwork » des concurrents, soit dans le cours non religieux, donc émanation du diable.
Le mémorandum en question aurait pourtant pu passer pour une contribution constructive – et tactiquement habile – au processus d’élaboration d’un cours unique. Le texte souligne l’importance de connaître les religions, y compris leurs « dérives », et promeut l’idée de « chercher ensemble les valeurs communes ». Mais l’effet de ces approches pleines de bon sens est gâché par le fait qu’elles ne sont pas destinées à être incluses dans le « cours unique », mais dans l’hypothétique « cours des religions » qui s’adresse aux enfants de parents religieux. Aux yeux des saints hommes qui ont signé le mémorandum, les autres enfants ne représentent sans doute que des âmes perdues, indignes de connaître les religions ou d’être incluses dans la recherche des valeurs communes.