Contre la torture : « On ne badine pas avec la torture ! »

L’Acat Luxembourg, en collaboration avec les Acat d’Europe et avec le soutien d’Amnesty International Luxembourg, vient de lancer une pétition contre la torture à l’adresse de l’Union européenne.

L’Union européenne dispose de possibilités d’intervention importantes dans ses relations bilatérales et multilatérales avec des pays tiers. La pétition appelle l’UE et ses États membres à interpeller les autorités de pays tiers sur leur engagement contre la torture. Application rigoureuse des orientations pour la politique de l’UE à l’égard des pays tiers en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (EU Guidelines on Torture). Intervention auprès des pays concernés sur des cas de torture ou de traitements inhumains portés à leur connaissance. L’UE et ses États membres doivent se montrer fermes et conséquents à l’égard de régimes tortionnaires, à l’image de la Suède, qui a décidé le 10 mars dernier de ne pas renouveler son accord de coopération militaire avec l’Arabie saoudite en raison des graves violations des droits de l’homme commises par ce régime.

Pourquoi est-il important de signer la pétition « On ne badine pas avec la torture ! » ? Trente ans après l’adoption historique de la Convention contre la torture, et malgré la condamnation quasi universelle de cette pratique, la torture reste un fléau mondial. Un pays sur deux y recourt de manière systématique : à l’encontre d`opposants politiques, de populations démunies, de prisonniers de droit commun, de migrants et réfugiés. Que ce soit en Ouzbékistan, au Yémen, aux Philippines, au Mexique, au Congo… il est urgent d’agir pour inverser cette tendance et faire enfin reculer la torture dans le monde ! La torture est interdite en toute circonstance. La torture est une pratique inacceptable, barbare ; elle est également illégale, interdite par le droit international. La Déclaration universelle des droits de l’homme affirme dans son article 5 : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » La Convention contre la torture, votée le 10 décembre 1984, répète cette interdiction absolue et détaille les obligations qui en découlent. Une grande majorité des États du monde y ont adhéré et se sont donc engagés à respecter cette norme. Et la convention a été renforcée par un protocole facultatif, qui prévoit des mécanismes nationaux de prévention de la torture, permettant de visiter les lieux privatifs de liberté. À ce jour, seuls 77 pays sur 194 ont adhéré à ce protocole, et seuls 60 pays ont mis en place un mécanisme de contrôle de ce genre.

La torture et les traitements inhumains sont également pratiqués dans les pays d’Europe, comme le démontrent les rapports du Comité pour la prévention de la torture (CPT), qui visite les lieux de détention, ainsi que les jugements de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais vous pensez peut-être que le risque est beaucoup moins grand sur ce continent. Pourquoi, alors, tant de pays européens ont-ils si facilement accepté de collaborer aux opérations secrètes de torture de la CIA à partir de 2001, au nom de la lutte antiterroriste, négligeant ainsi leurs engagements à ne jamais s’associer à de telles pratiques ?

77 pays sur 194 signataires

Un rapport du Sénat américain, paru le 9 décembre dernier, confirme l’utilisation de techniques brutales par la CIA à l’encontre de nombreux détenus sur plusieurs années. Diverses enquêtes ont démontré que des pays européens s’étaient rendus complices de ces violences, notamment la Lituanie, la Pologne et la Roumanie, en accueillant des sites de détention secrets de la CIA. D’anciens détenus ont affirmé y avoir été frappés, privés de sommeil pendant de longues périodes et soumis à des simulacres de noyade. D’autres pays de l’UE, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni, auraient facilité ces opérations, en particulier les vols de restitution (« rendition flights »). Ceux qui demandent justice sur ces pratiques continuent de se heurter à une fin de non-recevoir, au nom du secret d’État. Il est important que toute la lumière soit faite sur ces opérations dans les divers États membres et que les responsables soient traduits en justice. Suite aux attaques terroristes de début 2015, il est à craindre que des pays européens soient de nouveau tentés de reléguer les droits humains et les libertés fondamentales au second plan, dans leur souci d’accorder la priorité absolue aux politiques sécuritaires.

Si elle veut être prise au sérieux, l’UE doit passer des paroles aux actes. La pétition appelle l’UE à démontrer l’importance qu’elle attache aux droits humains. Accorder la priorité absolue, dans toutes ses politiques, aux principes énoncés dans sa Charte des droits fondamentaux. La pétition demande que les États membres démontrent leur volonté de lutter contre la torture. Adhésion à l’ensemble des instruments de lutte contre la torture de l’ONU et mise en œuvre de ceux-ci. Adhésion également au protocole facultatif à la Convention contre la torture, visant à établir un système de visites des lieux de privation de liberté par un organisme indépendant. Mise en œuvre des recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture, suite aux visites de celui-ci dans leurs lieux de détention. Intégration dans leur droit pénal de dispositions définissant la torture et incriminant tout acte de torture, conformément à l’article 4 de la Convention contre la torture, afin que de tels actes ne restent pas impunis. Engagement à mener une enquête exhaustive et indépendante sur toute allégation d’actes de torture et à veiller à ce que justice soit faite, y compris concernant la participation éventuelle d’agents des États membres aux opérations secrètes de la CIA. Protection de tout demandeur d’asile en Europe qui risquerait la torture et les traitements inhumains s’il rentrait dans son pays d’origine.

Pour signer la pétition en ligne : www.acat.lu


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