Avenir de l’Europe : Cinq plats au choix

Jean-Claude Juncker vient de présenter les plans de la Commission pour relancer la construction européenne. Une opération habilement menée, mais qui nous laisse sur notre faim.

(Image : ec.europa.eu)

Cela fait des années que l’Union européenne est en crise : politique, économique, monétaire ou migratoire, les dimensions de cette crise sont multiples. Depuis juin 2016, le Brexit a accentué aussi la crise d’identité du projet : faut-il, comme l’avait demandé le gouvernement britannique, renoncer à l’idée d’une union toujours plus forte ? Ou au contraire, comme le suggèrent les fédéralistes, profiter du départ du traînard britannique pour relancer le mot d’ordre de « plus d’Europe » ?

Jean-Claude Juncker a tenté, le 1er mars, de structurer ce débat. En présentant le livre blanc sur l’avenir de l’Europe avant le sommet de Rome des chefs d’État et de gouvernement du 26 mars, le président de la Commission espère sans doute éviter une guerre de positions entre les États favorables à plus d’intégration et les autres. Plutôt qu’un « projet Juncker », il a eu l’habileté de présenter cinq scénarios possibles – ce qui renvoie les autres acteurs à leurs responsabilités. Le président s’est tout de même démarqué des deux premiers, « business as usual » et « zone de libre-échange ». Quant au troisième, celui d’une UE à cercles concentriques, il ressemble à celui d’Angela Merkel d’une Europe à plusieurs vitesses.

Il est difficile de croire que ce serait le préféré de Juncker, puisqu’il renforcerait l’approche intergouvernementale aux dépens de l’approche communautaire, chère au Luxembourg et aux autres pays de taille modeste. Le quatrième scénario – « faire moins mais de manière plus efficace » – est le plus original ; il tente de concilier les ambitions d’une élite proeuropéenne avec la méfiance des populations. Enfin, le cinquième scénario est le plus ambitieux et rappelle des positions fédéralistes déjà exprimées au sein du Parlement européen.

De l’eau dans le vin

(Photo : Wikicommons)

On notera un détail important : tous ces scénarios renoncent à changer les traités. Pourtant, les objectifs les plus ambitieux pour un renforcement de l’Union nécessiteraient de tels changements. Juncker se retrouve en contradiction avec ses propres propositions comme celles d’une armée commune ou d’un salaire minimum européen. Et du côté des valeurs qui pourraient justifier le « plus d’Europe », le politicien luxembourgeois n’a toujours rien trouvé de mieux que « la paix ». Faute d’idées ? Plutôt faute de consensus fondamental à l’échelle du continent.

C’est sans doute ce qui a inspiré le quatrième scénario : chercher des consensus partiels et avancer dans ces domaines. Mais lesquels ? En septembre dernier, le sommet européen avait proposé de se concentrer sur la sécurité, la migration et la lutte contre le terrorisme. Mais pourra-t-on vraiment collaborer avec le ministère de l’Intérieur et la police secrète de pays comme la Hongrie ? Il est plus probable qu’on finisse par avancer sur des thèmes restreints et, en plus, en groupe restreint seulement. Quant à la politique militaire commune, poussée par une partie des proeuropéens, elle se conçoit difficilement sans une politique étrangère commune qui, pour le moment, existe surtout sur le papier. Tout au plus imagine-t-on, là encore, un groupe de pays prêts à avancer ensemble en matière de politique de sécurité extérieure commune. Suffisant peut-être pour empêcher la ruine de l’Europe, mais pas assez pour la faire revivre.


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