Fiscalité du travail et du capital : La culture de l’inégalité

L’oisiveté d’un rentier paye-t-elle mieux que le labeur des salarié-es ? Au grand-duché, la réponse est oui. Le travail y est beaucoup plus lourdement imposé que le capital, selon une étude publiée par la Chambre des salariés Luxembourg (CSL). Au niveau de l’OCDE, le pays est même l’un de ceux où ce déséquilibre est le plus important.

Photo : Alexa/Pixabay

Si, au Luxembourg, vous voulez payer moins d’impôt, mieux vaut vivre de sa rente que de son travail : cette conclusion s’impose à la lecture de l’« Eco News » de septembre, édité par la Chambre des salariés Luxembourg (CSL). En cela, le pays suit la tendance lourde observée dans le monde ces dernières décennies, avec une taxation moins importante du capital, au détriment du travail. Dans quelques pays seulement, dont les scandinaves, la rente demeure plus lourdement imposée que le travail.

Dans son document consacré au grand-duché, la CSL s’appuie sur une étude comparative menée par l’OCDE, classant le Luxembourg à l’avant-dernière place sur 37 pays pour l’amplitude entre impôts payés par les salarié-es et les bénéficiaires de dividendes ou de cessions mobilières. Seul le Chili fait pire.

« Au Luxembourg, pour un revenu équivalant au revenu annuel moyen, l’écart entre taux d’imposition effectif sur les revenus du travail et de dividendes s’élève à 27,1 points de pourcentage », écrit la CSL. Cet écart n’est en moyenne que de 10,6 points de pourcentage sur l’ensemble des pays de l’OCDE. Concrètement, « le taux d’imposition effectif réel sur un revenu moyen s’élève à 31,4 % lorsque ce revenu provient de salaires, mais seulement à 4,3 % lorsque le revenu est issu de dividendes ». Les salaires sont donc près de sept fois plus imposés. Il en va de même pour les plus-values issues de ventes de capitaux mobiliers (actions et obligations).

« Au niveau de l’équité sociale, il est important de noter que les revenus du capital sont concentrés très significativement dans les mains des ménages les plus aisés, tandis que les classes moyennes et inférieures sont celles qui dépendent le plus de leurs revenus de travail », déplore la CSL face à cette prime fiscale offerte aux riches.

Au Luxembourg, les salarié-es déboursent près de sept fois plus pour leurs impôts que les personnes vivant de leurs dividendes.

La faible taxation des dividendes au Luxembourg est aussi un sujet régulier de préoccupation de la Commission européenne, qui épingle l’imposition à taux zéro appliquée aux dividendes transférés vers certains pays hors UE. Il s’agit souvent de paradis fiscaux ultimes pour leurs bénéficiaires, à l’image des îles Caïmans, où ces revenus ne sont pas du tout imposés. Quand bien même la problématique diffère quelque peu de celle soulevée par la CSL, elle relève de la même culture de l’inégalité au profit des nanti-es.

Photo : Gerd Altmann/Pixabay

Les politiques au pouvoir et les milieux d’affaires défendent cette inégalité de traitement en affirmant qu’elle est indispensable au maintien de l’attractivité du pays. Mais, en Irlande, un concurrent direct de la place financière de Luxembourg, l’écart entre imposition des revenus du travail et du capital n’est que de 16,8 points de pourcentage, sans que cela handicape la compétitivité de Dublin, note malicieusement la CSL. Elle se réfère également à la Norvège, à la Suède et au Danemark, trois pays « qui ne sont pas connus pour leur déficience économique », alors que le capital y est plus fortement taxé que le travail.

Dans leurs programmes électoraux pour les législatives, les partis promettent une adaptation du barème fiscal dans le sens d’une plus grande équité, en faveur notamment du pouvoir d’achat des ménages les plus défavorisés. Mais presque aucun n’aborde le déséquilibre entre imposition du travail et du capital au bénéfice des plus fortuné-es. Seul Déi Lénk revendique clairement une inversion de cette tendance.

Le rééquilibrage fiscal entre rente et travail est un possible levier pour réduire les inégalités, alors que 20 % des résident-es vivent aujourd’hui au seuil ou sous le seuil de pauvreté. Le silence de la plupart des partis sur ce sujet s’avère d’autant plus paradoxal que tous s’accordent à donner une place centrale au travail dans leurs programmes, s’engageant à créer des emplois de qualité pour pérenniser le « modèle luxembourgeois ». Mais de la parole aux actes, il y a un fossé que peu semblent prêts à franchir pour redonner toute sa valeur et reconnaissance au travail salarié : celui de principal moteur de la création de richesses.


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