Gouvernement Frieden: Sans complexe !

Le gouvernement Frieden a passé le cap des 100 premiers jours. Mais l’état de grâce s’est vite fracassé sur l’interdiction de la mendicité à Luxembourg et, peu à peu, les actes posés confirment que le « nouveau Luc » ressemble furieusement à l’ancien quand il s’agit de soigner le business et de se montrer à l’occasion martial.

(Photo : Fabien Grasser)

« La fiscalité doit se retrouver au cœur de la nouvelle législature », déclarait Jean-Paul Olinger en octobre, quelques jours avant les législatives. À partir du mois de mai, le directeur de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) pourra s’exercer aux travaux pratiques, passant sans transition de sa fonction au sein de la première organisation patronale à la direction de l’Administration des contributions directes (ACD). Plus que la quête d’une équité fiscale, il y sera d’abord chargé de mettre en musique les baisses d’impôts promises pour 2025 au patronat, dont il a défendu les intérêts ces six dernières années. L’homme est en terrain connu, puisqu’avant d’œuvrer pour l’UEL, il avait fait ses armes au sein du département fiscal de KPMG. Il y négociait notamment les tax rulings avec l’administration au profit de multinationales, privilégiant alors les intérêts particuliers des actionnaires à l’intérêt général. C’est en toute connaissance de cause que Luc Frieden le nomme à la tête des services fiscaux, un rouage clé du fonctionnement de l’État.

La direction est tout aussi nette s’agissant de la nouvelle affectation de Nicolas Mackel, nommé ambassadeur du Luxembourg auprès de l’Union européenne. S’il s’agit d’un retour aux sources pour ce diplomate de carrière, il s’est distingué, depuis dix ans, dans son rôle de lobbyiste au poste de CEO de Luxembourg for Finance, l’agence de promotion de la place financière à l’étranger. À Bruxelles, il siégera au Comité des représentants permanents de l’UE, un organe incontournable dans l’élaboration des directives et dans lequel chaque État membre défend âprement ses intérêts, souvent à l’abri des regards extérieurs. En le nommant à cette fonction, le message de Luc Frieden est limpide : au niveau européen, les intérêts du Luxembourg sont d’abord ceux de sa place financière.

À ce jeu des chaises musicales pour les hauts fonctionnaires s’ajoutent les annonces distillées au fil des semaines par l’équipe du « nouveau Luc ». Il en va ainsi de la réforme des pensions en faveur d’une privatisation accrue du système, fantasme récurrent des assureurs privés, dont les syndicats font unanimement un casus belli. Revêtant le costume de père la rigueur, le ministre des Finances, le CSV Gilles Roth, promet, pour sa part, l’austérité aux fonctionnaires, dont le nombre de recrutements serait revu à la baisse. Digitalisation aidant, ils et elles seront bien évidemment prié-es d’en faire davantage avec moins de moyens. Un « État allégé pour plus d’efficacité », voilà une autre lubie néolibérale.

Dans le collimateur : les pauvres et les personnes étrangères forcément mafieuses. C’est totalement démago, mais asséné sans complexe. Comme tout le reste.

(© Mohamed Hassan/Pixabay;)

Et il y a le logement, première des priorités revendiquées par le gouvernement. Ce dernier a réuni une table ronde le 22 février avec l’objectif de construire plus et plus vite. Là encore, le « trop d’État » est au banc des accusés, et la coalition promet moult simplifications des procédures, au détriment de l’environnement notamment. Ce rendez-vous aux airs d’entre-soi a réuni, outre des ministres et représentant-es des communes, les seuls acteurs économiques de la promotion immobilière et de la construction. Avec deux guest-stars : les banques, représentées par l’ABBL, et Michel Reckinger, le président de l’UEL, parachuté à la tête de la délégation « secteur logement » de l’organisation patronale. En revanche, les agences de logement social, les associations de défense des locataires ou les syndicats ont été tenus à l’écart du raout.

Le premier ministre valide ainsi son attachement intemporel à un néolibéralisme dont il s’était défendu d’être toujours le chantre lors de la campagne électorale. Ses critiques ne se faisaient guère d’illusion, et les 100 premiers jours de la coalition CSV-DP valident leurs prédictions. Mais Luc Frieden sait aussi faire rimer libéralisme économique avec posture martiale, l’un complétant souvent l’autre. En autorisant l’interdiction de la mendicité à Luxembourg, il polarise la société et flatte cette partie de l’électorat que le CSV s’est employé, au fil des mois, à effrayer avec le thème de l’insécurité, laissant croire qu’il y aurait péril en la demeure. Dans le collimateur : les pauvres et les personnes étrangères forcément mafieuses. C’est totalement démago, mais asséné sans complexe. Comme tout le reste.


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