Cadeau d’anniversaire ou énième essai de populariser le musée mal-aimé des Luxembourgeois ? En tout cas, l’exposition monographique que le Mudam consacre à Wim Delvoye fait tout, vraiment tout, pour plaire.
Delvoye, c’est plus qu’un artiste. C’est carrément devenu une marque. À la simple évocation de son nom, le public appréhende déjà la prochaine provocation. C’est qu’entre « Cloacas » et cochons tatoués, il ne reste plus grand place pour la finesse d’un côté, et de l’autre il est aussi vrai que Wim Delvoye n’est pas connu pour faire dans la dentelle. Bon, sauf si c’est pour faire de l’art avec, comme le prouve la broderie « Royal Paris 2118 », de 1989, montrée au début de l’exposition.
L’intérêt de cette exposition monographique est sûrement qu’elle permet de retracer l’évolution chronologique de l’artiste, tout en insistant sur les parallèles qui se trouvent dans tous ses projets. L’intérêt qu’il porte ainsi à la digestion, pour ne pas dire à la merde, se trouve déjà dans un travail de 1990 : « Mosaic » est un carreau de carrelage où des excréments sont disposés de façon décorative. Selon les dires d’Enrico Lunghi, directeur du musée, c’est justement cette œuvre qui éveilla son intérêt pour le travail de Wim Delvoye.
Mais il est loin d’être le seul à s’être entiché de l’artiste belge. Ainsi, le Mudam montre quelques pièces que la grande-duchesse Joséphine-Charlotte a collectionnées. Notamment les quatre statues de la « Rose des vents ». Cela devrait peut-être enlever un peu d’ardeur aux ultraconservateurs qui condamnèrent la première installation des « Cloacas » à Luxembourg en 2007. Si même les têtes couronnées aiment Delvoye, il doit tout de même avoir un peu de talent, non ?
Sinon, le parcours montre la préférence de l’artiste pour l’ornemental : que ce soit en petit, comme les bétonneuses en bois ou en métal sculptés, ou en ultragrand. Comme le « Cement Truck », qui évoque une cathédrale gothique – et qui date de 2016, donc aussi une preuve que dans l’œuvre de Delvoye, la répétition n’est pas interdite. D’autres travaux rarement montrés sont les photos monumentales où l’on voit des inscriptions banales inscrites sur des falaises – le tout grâce à Photoshop. Selon le catalogue, ce serait aussi un peu une façon de l’artiste de se foutre du « land art » – une discipline qui nécessite souvent de très gros moyens.
Pourtant, Delvoye ne rechigne pas à mettre en œuvre des ressources extraordinaires pour réaliser ses projets. Le camion gothique n’en est qu’un exemple. Les fameux cochons tatoués – qu’on peut voir empaillés dans une galerie, tout comme la vidéo de cette installation monstrueuse – en sont un autre.
À propos de monstrueux : le hall du Mudam accueille la plus grande « Cloaca » – la « Super Cloaca » – jusqu’à la fin de l’exposition. Elle sera d’ailleurs actionnée en septembre.
En tout, l’exposition est assez unique pour être vue par un large public. L’art de Wim Delvoye est de toute façon de loin plus accessible que celui d’autres contemporains, et avec cette exposition le Mudam s’est lui-même créé sa légende.