Dessin: Échanges populaires


En cette fin novembre, la Kulturfabrik accueille le dessinateur de presse Yan Lindingre en résidence d’écriture. L’occasion pour le centre culturel de célébrer un recueil de ses dessins humoristiques et d’inviter le public à une soirée lecture-rencontre afin de découvrir le nouveau projet de l’artiste lorrain.

Nouvelles comiques : les dessins présentés au Ratelach serviront de toile de fond à une soirée lecture-rencontre le 29 novembre. (Photo : woxx)

Ils semblent faire partie du décor, s’intégrant sans difficultés avec l’atmosphère bohème et populaire du Ratelach, bistrot situé au fond de la cour de l’ancien abattoir. Sur les murs sont exposés une vingtaine de petits dessins de couleurs gaies, tous signés de Yan Lindingre, auteur de bandes dessinées, devenu dessinateur de presse qui, ces semaines-ci, est en résidence d’écriture au centre culturel d’Esch-sur-Alzette.

Parmi les canapés et les flammes des bougies décorant chacune des tables modestes, les dessins encadrés réclament l’attention de la clientèle. À première vue un peu simples, quelques un en noir et blanc, ils présentent aux curieux de drôles de scènes. Des hommes arborant des bedaines, des femmes en pyjama, enseignant-es de lycée, enfants au regard figé sur les téléphones ou l’occasionnel animal (une punaise de lit qui a l’air bien confortable fait notamment une apparition)… les œuvres capturent des situations tantôt navrantes, tantôt comiques, en mettant en scène des caractères populaires qui ne semblent rien avoir à cacher.

Ce sont ces personnages, ou plutôt les relations entre eux – toujours en couple, toujours en dialogue –, qui constituent le motif principal des dessins de Lindingre, dont beaucoup sont parus dans des journaux comme « L’Est Républicain », « Siné Mensuel » ou encore le « Canard Enchainé ». Le recueil présenté au Ratelach révèle l’intérêt que porte l’auteur à ces réalités souvent omises. Des gens « normaux », qu’on prend plaisir à (re)connaître de dessin en dessin et dans lesquels il est facile de se retrouver. Souvent ancrés dans l’actualité, l’humour si caractéristique pour l’auteur y est également toujours présent : certes parfois mordant, mais à point.

Connu notamment pour ses nombreuses bandes dessinées (entre autres « Titine », « Chez Francisque » avec Manu Larcenet, ou « L’affaire des Affaires » avec Denis Robert et Laurent Astier), dont il a publié une trentaine au fil des années, Lindingre se consacre dorénavant davantage à l’exercice de l’écriture. Jusqu’en 2012, il travaillait comme dessinateur de presse, notamment au journal Fluide Glacial, année où il devient rédacteur en chef et éditeur au sein du même journal.

(Photo: Yan Lindingre)

Puis, « il y a cinq ou six ans, je n’ai plus fait de bandes dessinées, mais j’ai plutôt pris deux voies différentes », se rappelle-t-il en entrevue avec le woxx. L’artiste lorrain élargit alors son portfolio et commence à explorer la relation entre les images et les mots dans d’autres formats. « Je suis tombé dans l’écriture de sketchs pour l’émission Groland sur Canal+ et les dessins politiques. J’avais déjà fait beaucoup de bandes dessinées, alors, voilà, il fallait que je continue à évoluer. »

Des rencontres farfelues

Depuis, le scénariste a commencé un livre humoristique qu’il prépare au sein de la résidence à la Kulturfabrik. Intitulé « Les Zaidants », Lindingre y jette le regard sur le passé, sur les gens communs qu’il a croisés et qui l’ont marqué dans sa vie. Natif de la ville de Jarny, où le secteur sidérurgique représentait jadis le principal employeur de la région, l’artiste d’origine italo-serbe dit s’être toujours senti proche « des gens borderline, et j’ai eu envie de capturer ces petites folies. » Des personnages populaires inspirés, explique-t-il, en partie par le cinéma réaliste italien.

Mais pour son livre, l’artiste s’appuie surtout sur son expérience dans l’économie solidaire, au centre de ressources luxembourgeois Objectif plein emploi, dorénavant disparu. Là, Lindingre fit la connaissance d’une assistante sociale, qui lui servira de première inspiration. « J’ai commencé par elle, par des travailleur-ses sociaux-les, et puis je me suis mis à explorer d’autres métiers et d’autres gens, souvent issu-es de l’immigration, des personnages qui se révèlent être des petits poètes. »

En résulte « un livre de rencontres, qui met le regard sur les gens en marge de la société et les rencontres entre eux », résume le scénariste. Ils forment la base du livre, que le scénariste envisage éventuellement de transformer en dessin animée. « Quand on croise ces personnes, on peut d’abord penser que c’est qu’elles ont des problèmes, mais finalement il y a des rencontres totalement surprenantes. »

(Photo: Yan Lindingre)

Le fil conducteur de toutes ses œuvres : l’humour comme instrument pour capturer ces scènes ordinaires, « ces rencontres farfelues », un humour vif auquel l’artiste est resté fidèle et qui met dans le mille.

La résidence de l’écrivain se clôturera par une soirée lecture-rencontre entre Yan Lindingre et Romain Biever le 29 novembre au Ratelach. Président de l’Institut luxembourgeois de l’économie solidaire et auteur de nombreuses publications sur l’économie sociale, Biever est une vieille connaisance de l’artiste : « J’ai eu le plaisir de le rencontrer il y a des années. Il était alors dessinateur, comme moi ». Ce qui n’est pas anodin, d’après le dessinateur, qui conclut : « Je pense que les artistes portent un regard différent sur les populations exclues. »

Lors de la soirée, Lindingre proposera des lectures de son travail d’écriture en cours et échangera avec Biever au sujet de l’économie solidaire. Une occasion pour le public de porter attention, sous le regard des personnages « borderline » exposés aux murs, sur la place prise par les travailleur-ses et l’action sociale dans notre société.

Jusqu’au 29 novembre 2023 au bistrot Ratelach, 
à la Kulturfabrik.

Cet article vous a plu ?
Nous offrons gratuitement nos articles avec leur regard résolument écologique, féministe et progressiste sur le monde. Sans pub ni offre premium ou paywall. Nous avons en effet la conviction que l’accès à l’information doit rester libre. Afin de pouvoir garantir qu’à l’avenir nos articles seront accessibles à quiconque s’y intéresse, nous avons besoin de votre soutien – à travers un abonnement ou un don : woxx.lu/support.

Hat Ihnen dieser Artikel gefallen?
Wir stellen unsere Artikel mit unserem einzigartigen, ökologischen, feministischen, gesellschaftskritischen und linkem Blick auf die Welt allen kostenlos zur Verfügung – ohne Werbung, ohne „Plus“-, „Premium“-Angebot oder eine Paywall. Denn wir sind der Meinung, dass der Zugang zu Informationen frei sein sollte. Um das auch in Zukunft gewährleisten zu können, benötigen wir Ihre Unterstützung; mit einem Abonnement oder einer Spende: woxx.lu/support.
Tagged .Speichere in deinen Favoriten diesen permalink.

Kommentare sind geschlossen.