C’est une mauvaise nouvelle pour la justice fiscale : le Tribunal de l’Union européenne vient d’annuler la décision de la Commission européenne de considérer deux rulings irlandais comme des aides d’État illégales.
13 milliards d’euros, c’est la somme coquette que l’ex-commissaire européenne à la compétition Margrethe Vestager avait demandée à la multinationale Apple fin août 2019. Avec les intérêts qui se seraient ajoutés pour les deux rulings en vigueur entre 1991 et 2014, la somme s’approchait d’ailleurs plutôt de 20 milliards. Pour Vestager, ces avantages fiscaux cédés par l’Irlande au géant californien représentaient une aide d’État illégale. Une telle procédure est le seul moyen de l’Union européenne pour lutter contre les multinationales qui profitent de la fiscalité avantageuse de certains États membres et des nombreuses différences entre les régimes fiscaux en Europe, la faute aux 27, qui peinent à s’arranger dans la recherche de bases communes.
L’affaire avait fait grand bruit il y a quatre ans, aussi parce que la somme que la Commission voulait faire payer à l’Irlande par Apple excédait de loin celles – même combinées – que certaines multinationales comme Fiat, Google ou Engie devraient payer au grand-duché. Comme ce dernier, l’Irlande a fait appel de la décision de la Commission européenne. 20 milliards d’euros représentent 10 pour cent de son PIB de l’époque – mais ne pas admettre qu’on est un paradis fiscal a aussi un prix. Et encore, l’ouverture pour la Commission a été le fait qu’Apple n’utilisait pas le système appelé « doublette irlandaise » (« Double Irish ») – qui se base sur la non-imposition des prix de transfert et que beaucoup d’autres multinationales pratiquent –, mais justement les rulings.
Donc l’Irlande, Apple Sales International (ASI) et Apple Operations Europe (AOE) ont demandé au Tribunal européen siégeant au Kirchberg d’annuler cette décision, et viennent de gagner – cette étape du moins. Le Tribunal « déplore le caractère lacunaire et parfois incohérent des rulings fiscaux contestés, [mais] les défaillances identifiées par la Commission, à elles seules, ne suffisent pas à prouver l’existence d’un avantage ». Celles et ceux qui doivent se battre pour des sommes parfois ridicules avec leur administration fiscale apprécieront la magnanimité de la justice européenne.
En tout cas, ce 15 juillet restera une journée noire pour qui espérait voir avancer la justice fiscale, aussi dans le contexte de la crise économique et pandémique.