La Chine contre la Covid-19… et le reste du monde

La Chine se bat contre une nouvelle flambée de l’épidémie. Mais doit-elle aussi se battre contre le monde entier à coups de propagande nationaliste ?

globaltimes.cn

« Une fois de plus, la Chine et les États-Unis répondent différemment face à l’épidémie », affirme un édito dans le « Global Times », journal ultranationaliste proche du gouvernement chinois. « Pékin a agi promptement. Même s’il y a seulement quelques douzaines de cas nouveaux par jour, Pékin a tenu compte des risques de propagation du virus et tenté de l’endiguer avant que cela n’arrive. Pékin et la société chinoise sont confiants que la capitale ne deviendra pas un deuxième Wuhan. » Et en effet, vu de l’extérieur, les mesures prises face à la nouvelle flambée de Covid-19 ont l’air efficaces (online-woxx : « Deuxième vague à Pékin : ce qu’on sait »). Surtout quand on les compare à ce qui se passe outre-Atlantique.

Pourtant, le triomphalisme chinois est déplacé. Les autorités font apparemment ce qu’il faut, et c’est très bien. Mais cela ne fait oublier ni l’attitude répressive du régime ni le manque de transparence qui l’accompagne, et qui a pesé sur la réponse chinoise à la Covid-19 en début d’année. Surtout, la manière propagandiste de la Chine quand elle essaie de faire du « soft power » passe de moins en moins bien dans les médias occidentaux. Ainsi, la chaîne publique allemande SWR a dû déprogrammer « Inside Wuhan », un documentaire sur les origines de l’épidémie, élaborée en collaboration avec une agence de propagande chinoise. Officiellement, il y avait des soucis de droits d’auteur-e, mais c’est sans doute une réaction au reproche que les standards journalistiques n’auraient pas été respectés.

Cercle vicieux de racisme et de méfiance

Non content de vanter le modèle chinois de la lutte contre l’épidémie, le « Global Times » cherche aussi à instrumentaliser la réinfection pékinoise pour attiser les sentiments nationalistes. Il rapporte que les analyses génétiques indiqueraient que la source de l’infection nouvelle serait en Europe. Cela renforcerait les doutes quant à l’origine de l’épidémie fin 2019, attribuée éventuellement à tort à un marché de poissons à Wuhan. Cela fait partie du jeu « À qui la faute ? » auquel se livrent depuis des mois les gouvernements américain et chinois, ainsi que des légions de conspirationnistes acquis-es à l’une ou l’autre cause.

L’affirmation que la source de la réinfection ne serait pas en Chine est à peu près aussi gratuite que celle préférée par le conspirationnisme proaméricain : qu’il s’agirait à l’origine d’une arme bactériologique chinoise. Notons que les journaux chinois, même le « Global Times », citent aussi des expert-e-s expliquant que la contamination par un poisson venu d’Europe est très improbable. Cela n’a apparemment pas empêché la Chine de stopper les importations de poisson. Surtout, sur les réseaux sociaux, les rumeurs sont amplifiées et le public chinois est réceptif à des histoires sur « les produits étrangers qui nous empoisonnent ». En face, on trouve un racisme antichinois bien réel en Occident, qui se nourrit autant d’une méfiance politique – sans doute fondée – que de théories foireuses sur « les Chinois-es qui nous infectent ».

Infection sur le marché « qui n’existe pas »

Parfois, la propagande se retourne aussi contre les propagandistes. Ainsi, à la mi-juin, l’ambassade chinoise au Luxembourg avait pesté contre les critiques envers son pays. Elle avait notamment défendu la réouverture des marchés, que certain-e-s en Occident avaient présenté comme scandaleuse (woxx 1581 : « Les masques parlent déjà chinois »). Bien entendu, la réouverture des marchés, comme celle d’autres lieux publics, était raisonnable. A-t-elle été menée et encadrée correctement ? La question se pose, puisque des responsables ont été viré-e-s à la suite de la réinfection. Cependant, il n’y a aucune raison de douter que les étalages d’animaux sauvages – source suspectée de l’épidémie à Wuhan – sont désormais bannis de l’ensemble des marchés chinois.

Là où la propagande de l’ambassade prenait le pas sur ses arguments rationnels, c’est qu’elle affirmait que ces « wet markets » (marchés de produits frais) n’existaient pas en Chine et qu’ils ne pouvaient donc pas poser de problèmes. Une affirmation absurde. À laquelle répondront d’autres absurdités, issues de la propagande antichinoise, présentant la réouverture des marchés comme cause directe de la réinfection pékinoise et rajoutant un « On vous l’avait bien dit » triomphaliste.


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